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l’Empereur venait, lors du solstice d’hiver, accomplir le sacrifice au Ciel, le plus saint de tous, celui où se perpétuait l’esprit grandiose et abstrait de la première religion chinoise. Il est de bonne heure, la poussière ne fane pas encore cette lumière de Pékin, qui, grande, fine, idéale, semble faite pour des sages. L’enceinte sacrée une fois franchie, on se trouve dans un grand parc. Des thuyas, des sophoras à la verdure poudreuse bordent les allées. L’herbe est haute et peu fleurie ; à peine si l’armoise élève ses hampes blanchâtres. Un liseron penche sa coupe déjà séchée, d’une petitesse dérisoire pour la soif ardente du soleil. J’arrive à des pavillons d’un seul étage, aux cours carrées, aux salles ouvertes, tous peints de cette puissante couleur rouge qui est ici celle de la gloire et du bonheur. Ils servaient de cuisines, d’abattoirs, de magasins pour les sacrifices, et vides, à présent, n’ayant gardé que la richesse de leurs toits d’émail, ils ont cet air de délabrement tranquille propre aux ouvrages de l’Asie, où les choses, comme les gens, semblent tenir moins que chez nous à leur existence.

Ma promenade vagabonde va des uns aux autres, pour obéir enfin à l’appel d’un triple toit rond ; c’est celui d’un édifice qui s’élève sur trois terrasses de marbre, le temple de la Prière pour l’année. L’Empereur y officiait au printemps pour demander au ciel de bonnes récoltes et tout alors était bleu, les porcelaines employées, les robes de brocart des assistants, les rideaux de verre teinté, suspendus aux fenêtres, qui trempaient le jour d’une couleur froide et sidérale. Des constructions plus basses règnent à l’entour, des cours modestes, de petits portiques, rien qui recherche l’effet : mais les proportions de ces bâtiments sont si exactes, ils entretiennent entre eux des rapports si justes et si déférents que leur ensemble a l’air d’une cérémonie immobile. Partout, dans leur aspect, sans qu’on puisse distinguer comment, le joli se mêle à l’auguste. Ils ne parlent pas d’un créateur personnel ; ils témoignent seulement pour une société et pour un ordre : les parties qui en ont été récemment restaurées ne se distinguent en rien des plus anciennes et le même plan les contient toujours.

C’est une architecture faite pour des dignitaires et pour des sages, et réglée sur une harmonie si subtile qu’après l’avoir d’abord regardée, on penche la tête comme pour l’entendre. Les Chinois, de même que les Anciens, n’aimaient pas l’énormité