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simples et des plus décents que les hommes aient jamais portés. Des poèmes pendus aux murs, écrits sur des papiers anciens et d’une calligraphie remarquable, annonçaient le poète et le grand lettré. Le Président saisissait chaque occasion de nous sourire, et, pour répondre à nos saluts, nous détachait de petites révérences saccadées, selon la mode chinoise. C’est un des anciens grands fonctionnaires de la monarchie ; il en subsiste ainsi quelques-uns, dans le nouveau personnel, comme des morceaux cassés de la vieille Chine. Ce sont eux qui répondent encore à toutes les idées que nous nous sommes faites sur leur pays. A peine leur est-on présenté qu’on voit, sur leur visage, toute leur politesse accourir. Beaucoup sont lettrés, des maréchaux font des vers, et l’on rencontre un amiral qui a traduit en anglais les poèmes des Song et dont la figure s’éclaire, dès qu’on le met sur ce sujet.

Les hommes politiques plus jeunes sont bien différents, absolument détachés des arts et détournés de tout ce qui leur parait inutile. La science aurait plutôt leurs hommages, mais ils ne la considèrent que comme la mère de la puissance. Ils nous ont emprunté des manières plus expéditives que celles de leurs anciens. Engagés dans tous les détours d’une politique pleine d’intrigues, ils ne savent pas moins prononcer, à la fin d’un banquet, les mots qui, chez eux et chez nous, sont censés représenter un idéal. Puis viennent ceux qui ont étudié en Europe ou en Amérique : les diplômes qu’ils y ont obtenus ne leur valent que des emplois subalternes, dont le traitement leur est payé d’une façon très inexacte, et l’on peut compter qu’ils sont pour la plupart mécontents. Je ne saurais juger de leur valeur professionnelle, mais beaucoup préviennent favorablement par leurs manières affables et simples, par leur air d’application et d’honnêteté et ce sont eux qui donnent une première idée des vertus sérieuses de l’âme chinoise. Ils semblent, eux aussi, détachés du passé, mais ils y tiennent encore, au moins en un point, par l’exercice du culte domestique. Quant à l’Empereur, la République ne l’a pas traité sans égards. Il a toujours son titre de Majesté Impériale, sa garde mandchoue et il est doté d’une pension considérable. C’est à présent un adolescent gratifié d’un précepteur anglais. On dit qu’il voudrait voyager et qu’il en a vainement, jusqu’ici, demandé la permission. Le Président de la République ne manque pas de lui rendre visite et d’échanger