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encore, était facile à décrire. Elle présentait l’ensemble le mieux composé que le monde ait vu et, s’il est permis de parler ainsi, le plus grand ballet de l’histoire. Il était charmant d’en être le spectateur. C’est fini de cette vieille Chine imposante, pleine et gorgée d’elle-même, monde suffisant qui laissait glisser sur lui la curiosité de l’étranger. Comme l’éclat des nuages meurt à la disparition du soleil, tout un ensemble d’idées s’est éteint avec la fin de l’Empire. On n’aperçoit aucune chance de restauration durable. Lors même qu’un empereur régnerait de nouveau, l’ancien système n’en serait pas rétabli. Yuan-Cheu-Kai, mélange de fourbe et de violence, personnage chinois s’il en fût, a précisément succombé aux forces nouvelles qui se sont fait jour. D’autre part, la République n’est qu’un nom. Méconnu dans les provinces, le Gouvernement de Pékin est ouvertement nié dans le Sud. La force réelle est aux généraux, particulièrement éloignés de l’influence européenne, occupés seulement de leurs intérêts, qui s’opposent ou se rapprochent, mais en restant toujours prêts à s’unir contre celui d’entre eux qui s’élèverait au-dessus des autres. Ils s’appuient sur les soldats qu’ils lèvent, mais ceux-ci, mal payés, toujours prêts à la défection ou au pillage, ne font à leurs maîtres qu’un piédestal incertain. L’influence de l’Occident ajoute à la confusion. Elle ne trouble pas encore le fond de l’âme chinoise, mais, comme le vent bouleverse la chevelure d’une tête impassible, elle agite et soulève les étudiants. Savent-ils seulement ce qu’ils veulent, ces jeunes gens si impatients d’agir, ou plutôt de se manifester, si avides d’apprendre, ou plutôt de savoir ? Certains d’entre eux, surtout ceux qui ont été instruits en Amérique, paraissent décidés à imposer à leur vieux monde les cadres et les formes des pays d’où ils reviennent. Mais les rapports qu’ils ont eus avec les étrangers n’ont fait qu’exciter en eux un patriotisme plus susceptible, et ils sont, pour la plupart, moins désireux de se rapprocher de notre esprit que de nous dérober le secret de notre puissance.


La politique prend ces jours-ci un tour imprévu. Le parti qui gouverne, menacé par ses ennemis, a relevé leur défi. Le Président de la République, sans pouvoir, puisqu’il est sans soldats, a dû signer les décrets qui lui ont été imposés, par où il destitue