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aventurer dans la nuit et de remettre au lendemain notre retour. Nous le remercions et continuons notre route. Nous remontons en auto, et comme il y a sur notre chemin un petit hôtel où les étrangers viennent souvent se reposer, nous y faisons halte pour téléphoner encore à Pékin. Mais nous voyons alors que la garde des portes n’entend pas avoir l’embarras de notre retour nocturne. On nous répond que les pillards sont déjà là qu’ils pourraient prendre nos autos, et qu’il y va de notre sûreté de ne revenir que le lendemain. Alors, au moins, nous ouvrira-t-on ? Là-dessus, pas de réponse précise. Le tout, pour les gens d’ici, c’est d’échapper aux difficultés présentes, de les rejeter dans le vague de l’avenir. Sur ces entrefaites, l’officier qui commande au village voisin se présente à nous : il nous avertit que la route est barricadée et que nous ne saurions passer. Dehors, la campagne est noire et tranquille. Mais il doit y avoir dans cette ombre des sentinelles effarouchées qui, à la première alerte, lâcheraient leur coup de fusil. Nous remettons au jour suivant la suite de notre aventure et nous nous étendons pour dormir, si les moustiques nous le permettent.

À l’aurore, nous sommes debout. La lumière est jaune, il fait déjà chaud et, dans un champ de lotus, un vieux paysan, à l’air goguenard, cueille les grosses fleurs pour nous les vendre. Nous repartons. La route qui mène à Pékin, très fréquentée d’habitude, fuit, déserte, dans le soleil. Enfin, le faite des remparts apparaît. Les autos courent à travers le faubourg, arrivent au dernier tournant, et débouchent devant la porte : la porte est fermée.

J’avais déjà admiré la vieille muraille, mais jamais, je l’avoue, avec autant de conviction qu’aujourd’hui. Elle élève au milieu du ciel la maison de bois qui la surmonte et des hirondelles donnent leurs coups de ciseaux autour de ses grands créneaux moroses. Nous pénétrons dans le petit poste extérieur, accoté au bas du rempart et mes compagnons recommencent à parlementer. Mais qui prendrait sur soi de nous faire ouvrir ? Le seul souci des Chinois dans une pareille occurrence, est de ne se charger d’aucune responsabilité. Il y a là quelques soldats et deux ou trois employés civils, dont un petit homme tout racorni par l’opium, qui semble en avoir fait un bibelot translucide. Il rit, s’empresse et engage aussitôt avec l’un de nous une conversation alerte et futile sur le produit