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À midi, tous les corps étant arrivés, les aigles furent réunies à la tête de la colonne et décorées par le préfet de la Seine. Des couronnes d’or avaient été votées par le Conseil municipal qui, avec les maires de Paris, entourait le préfet M. Frochot, et tout notre État-major général ayant à sa tête le maréchal Bessières, notre commandant en chef. Après les discours d’usage, et la rentrée des aigles à leur place habituelle, 10 000 hommes en grande tenue s’avancèrent pour défiler sous l’arc de triomphe au bruit des tambours, les musiques des corps, de nombreuses salves d’artillerie et des acclamations d’un peuple immense qui s’était porté sur ce point. De la barrière au Palais des Tuileries, les mêmes acclamations nous accompagnèrent. Nous défilions entre les haies formées par la population de la capitale. Toutes les fenêtres, tous les toits des maisons du faubourg Saint-Martin et des boulevards étaient garnis de curieux. Des pièces de vers où nous étions comparés aux dix mille immortels, et des chants guerriers étaient chantés et distribués sur notre passage. Des vivats prolongés saluaient nos aigles. Enfin, l’enthousiasme était complet et la fête digne des beaux jours de Rome et de la Grèce.

En arrivant aux Tuileries, nous défilâmes sous le bel arc de triomphe qui avait été construit pendant notre absence. À la grille du Carrousel, après avoir déposé nos aigles au Palais où elles restaient habituellement pendant la paix, nous traversâmes le Jardin des Tuileries et y laissâmes nos armes formées en faisceaux.

On se rendit ensuite aux Champs-Élysées, où une table de 10 000 couverts nous attendait. Elle était placée dans les deux allées latérales. Au rond-point était celle des officiers, présidée par le maréchal. Le dîner se composait de huit plats froids, qui se répétaient indéfiniment ; tout était bon ; on était placé convenablement, mais malheureusement la pluie contraria les ordonnateurs et les héros de cette magnifique fête.

Après le dîner, nous fûmes déposer nos armes à l’École militaire, où nous étions casernes, et rentrâmes dans Paris pour jouir de l’allégresse générale, des illuminations, des feux d’artifice, des danses publiques et jeux de toute espèce. Les pauvres eurent aussi leur part dans ce gigantesque festin.

Nous venions d’être absents de Paris ou de Rueil un an, deux mois et cinq jours.