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par escouade : c’était l’ordinaire, mais considérablement augmenté, et arrosé d’une bouteille de vin de Beaune par homme.

Enfin, le 19 décembre, la Garde donna une grande fête à la ville de Paris. Elle eut lieu le soir dans le Champ de Mars et le palais de l’Ecole militaire ; les apprêts furent longs, parce qu’ils furent grandioses et tout militaires. Dans la vaste enceinte du Champ de Mars, on avait placé sur des fûts de colonnes des vases remplis de matières inflammables, ou des aigles avec des foudres ailés remplis d’artifice. Les vases et les aigles alternaient et se communiquaient par un dragon volant qui devait les embraser tous en même temps. Au-dessous des aigles étaient les numéros des régiments qui formaient la brigade, avec le nom du général qui la commandait, et sous les pots à feu, les noms d’une affaire et du général de division qui y commandait les deux brigades. Au milieu, une immense carte géographique du Nord de l’Europe faisait voir en lettres énormes les principales villes et le lieu de nos grandes batailles ; et le chemin suivi par la Grande Armée dans les campagnes de 1805, 1806 et 1807 était tracé par des étoiles blanches sous lesquelles, ainsi que sous le nom des villes, il y avait un feu gras coloré qui devait brûler pendant que l’artifice qui entourait la carte serait lui-même en feu. Au-dessus de la carte on voyait des victoires ailées aussi garnies d’artifice, etc…

La Garde à pied se rendit en armes dans cette enceinte pour faire l’exercice à feu avec des projectiles d’artifice. Quand la nuit fut tout à fait close, l’Impératrice mit le feu à un dragon volant qui, au même instant, le communiqua à toutes les pièces d’artifice. Au même instant aussi, les 4 à 5 000 hommes à pied de la Garde firent, avec les cartouches artificielles, un feu de deux rangs des plus nourris. Cette voûte des cieux éclairée par des milliers d’étoiles flamboyantes, ces épouvantables détonations qui retentissaient dans tous les points du Champ de Mars, les cris de la multitude qui encombrait les talus, tout concourait à donner à cette fête militaire les plus grandes proportions, la plus noble opinion du vouloir des hommes quand ils veulent employer toutes leurs facultés pour faire du beau et du sublime.

La Grande Armée tenait sa place dans cette fête de la Garde Impériale, puisque tous les corps d’armée, les divisions, les brigades et les régiments y figuraient numéralement.