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de repos. Les quarante-huit journées de marche que nous venions de faire nous avaient rudement fatigués. Le général de division Solignac, gouverneur de la vieille Castille, donna plusieurs grandes soirées fort remarquables par leur éclat, leur affluence et la rage du jeu. Le duc et la duchesse d’Abrantès, arrivés quelques jours après nous et auxquels nous avions été présentés, se trouvèrent à quelques-unes de ces soirées dansantes. Il y avait en outre beaucoup d’autres généraux et de grands personnages des deux nations. Ces réunions étaient gaies, vives, opulentes. Les dames espagnoles qui s’y trouvaient en grand nombre ne se faisaient généralement remarquer que par leur gaucherie et le mauvais goût de leur toilette française. Celles qui avaient eu le bon esprit de conserver le costume national étaient beaucoup mieux.

8 avril. — A Léon. Dans la matinée, j’avais reçu l’ordre de rejoindre mon bataillon. En route, étant à quelque cent pas du détachement et dans une position à ne pas être aperçu de lui par la forme du terrain, je fus accosté par un homme à cheval, armé jusqu’aux dents, en costume espagnol dans le genre de celui de Figaro, avec un ample manteau par dessus. A peine l’eus-je vu, qu’il était sur moi. Il ouvre rapidement son manteau, cherche dans ses poches comme pour prendre ses pistolets, et me présente une attestation pour indiquer qu’il était au service de la France, je ne sais à quel titre. Ma contenance fut assez embarrassée, croyant bien avoir à faire à un guérilla, avec d’autant plus de raison que je n’avais que mon épée pour me défendre, pauvre arme contre des pistolets, un tromblon et une lance. Cette surprise inattendue me fit penser qu’il n’était pas prudent de s’éloigner de sa troupe dans un pays où chaque arbre, buisson ou rocher cachait un ennemi.

Le 4e bataillon était parti dans la matinée pour le blocus d’Astorga. Nous restâmes dans Léon jusqu’au 16 avril avec le 5e bataillon de notre division.

14 avril. — Au pont d’Orbigo, bourg à deux lieues d’Astorga... Nous restâmes dans ce bourg pour assurer les communications avec Léon et le derrière des troupes employées au siège d’Astorga, escorter les convois de vivres et de munitions de guerre, soigner les malades et les blessés des troupes du siège et fournir des détachements armés pour les tranchées.

Le duc d’Abrantès étant arrivé, le blocus d’Astorga fut