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malgré tous les moyens employés pour l’arrêter, qu’on fut obligé, pour empêcher la destruction, de faire venir les chevaux et d’atteler à la hâte pour les parquer sur un autre terrain. Le danger était grave et la perte immense pour l’armée, car toutes ses ressources pour la continuation de la guerre étaient dans ce parc de réserve.

27 septembre. — Au bivouac. Assez près du lieu où se donna le même jour la bataille de Bussaco et d’Alcoba, où nous fûmes sinon battus, du moins repoussés de tous les points dont on cherchait à s’emparer. Cette funeste journée, qui coûta à l’armée plus de 4 000 hommes tués ou blessés, la découragea beaucoup. Cependant, le maréchal Masséna ne renonça pas au projet de marcher sur Lisbonne. Ayant reconnu un peu trop tard, et quand le mal était fait, que la position de l’Alcoba était inexpugnable de front, il résolut de tourner par la droite, en s’emparant des défilés de Serdao que Wellington avait négligé d’occuper. Cette faute obligea le général anglais de battre en retraite, de repasser le Mondego, d’évacuer Coimbre et de nous abandonner tout le pays entre les montagnes et la mer. Ainsi, malgré notre grave échec, nous continuâmes à poursuivre une armée victorieuse, abondamment fournie de tout, ayant la sympathie des populations pour elle, tandis que nous, nous ne vivions que de maraudes, qu’il fallait aller chercher loin, ce qui augmentait les fatigues et les dangers des soldats.

12 octobre. — A Alemquer, petite ville, quartier général du maréchal prince d’Essling, un peu éloignée de la rive droite du Tage, et située dans une gorge.

Nous étions enfin arrivés dans la vallée du Tage, après laquelle nous soupirions depuis longtemps, pensant que nous trouverions sur ses bords le bien-être, un peu de repos, ou du moins de meilleurs chemins et plus d’abri. Je vis pour la première fois de ma vie, autour de cette jolie petite ville, beaucoup de palmiers qui me parurent d’une beauté et d’une venue remarquables.

Avant notre arrivée au gîte, le général de cavalerie Sainte-Croix, officier d’un très grand mérite, tout jeune, fut coupé en deux, au milieu de nos rangs, par un boulet de canon parti d’une canonnière anglaise stationnée sur le Tage. Le lit de ce magnifique fleuve était couvert de bâtiments armés destinés à nous en défendre l’approche.