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14 octobre. — A Villafranca, pelite ville sur les bords du Tage. Nous restons dans les maisons de campagne qui l’entourent jusqu’au 28 octobre inclus.

Les majestueuses et riantes rives du Tage, les magnifiques maisons de campagne qui bordent ses bords enchanteurs, les jardins délicieux qui couvrent la plaine située entre la colline élevée et le fleuve, pleins d’orangers plantés régulièrement, de citronniers, de lauriers roses et d’autres arbres aussi intéressants ; les coteaux tapissés de vignes, de figuiers, d’oliviers, un ciel d’une beauté ravissante, une route magnifique rendaient la position de Villafranca une des plus belles qu’il m’eut été donné d’admirer jusqu’alors. Ce beau pays me parut un séjour de délices, un nouveau paradis terrestre, malgré les effroyables détonations de la flottille anglaise, et les sifflements lugubres des énormes boulets qu’ils nous envoyaient.

2 novembre. — Les bords du Tage, au delà de Tancos.

A la diane, battue plus matin encore que de coutume, le bataillon prit les armes, et quand il fut formé, le général Foy réunit autour de lui les officiers pour leur annoncer que nous allions en Espagne pour l’escorter et, lui, en mission auprès de l’Empereur. Il dit que l’entreprise était périlleuse, qu’il ne s’agissait rien moins que de traverser un royaume en insurrection, mais qu’avec de l’audace, de la bravoure et une parfaite soumission à ses ordres, il se faisait fort de nous conduire en Espagne sans combattre, mais non pas sans fatigues. Il nous prévint qu’on partirait toujours avant le jour et qu’on ne s’arrêterait qu’à la nuit, afin de dérober nos traces aux nombreux partis qui sillonnaient le royaume. Il nous recommanda de marcher serrés et de ne pas nous écarter de la colonne sous peine d’être tués par les paysans...

Voici l’ordre de marche qu’on devait suivre habituellement : une compagnie de dragons à la première avant-garde ; une section de grenadiers en avant du bataillon ; les chevaux, les mulets, les ânes, les malades et les blessés, derrière le bataillon ; les voltigeurs à l’arrière-garde ramassant les traînards, faisant serrer les hommes et les bagages ; une compagnie de dragons plus en arrière encore pour surveiller les derrières de la colonne ; enfin, sur les flancs, cinquante lanciers hanovriens pour éclairer, courir et battre la campagne au loin, afin d’annoncer l’approche de l’ennemi.