Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/831

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ma compagnie était désorganisée ; il manquait la moitié des sous-officiers et caporaux : les fusils étaient en partie brisés par la mitraille ; les marmites, les bidons, les épaulettes, les pompons, etc., étaient perdus.

3 mai. — Au bivouac, en avant de Pegau...

L’armée se mit en marche dans la matinée, toute disposée à attaquer l’ennemi, s’il nous avait attendu sur l’Elster, mais nous ne le rencontrâmes pas. Je formais l’avant-garde du corps d’armée. Après avoir dépassé Pegau, je reçus l’ordre de m’arrêter, de prendre position sur les hauteurs, et de me retirer ensuite quand j’aurais été relevé.

Pendant que j’étais dans cette position, un escadron de dragons Badois se porta en avant pour faire une reconnaissance, et le poste qui devait me relever arriva. Je prévins le sous-officier du 86e que des cavaliers étrangers ne tarderaient pas à se présenter pour rentrer au camp : les faire reconnaître, mais se garder de les prendre pour des ennemis. J’étais en route pour rejoindre mon bataillon, lorsque j’entendis tirer des coups de fusil derrière moi. C’étaient les Badois qu’on prenait pour des Russes. Le poste lâcha pied lorsqu’il se vit charger et se débanda. L’alarme se répandit dans les bivouacs de la division ; on prit les armes. J’envoyai de suite prévenir que c’était une méprise, mais les troupes étaient déjà formées. Un quart d’heure après, tout était rentré dans l’ordre : un cavalier avait été blessé ; le sergent fut relevé et puni.

4 mai. — Au bivouac, autour de Borna, petite ville de Saxe, à quatre lieues d’Altenbourg.

Je fus chargé de faire l’arrière-garde de la division. Le général me recommanda de me tenir au moins à une lieue en arrière de toutes les troupes, de marcher prudemment et bien en ordre, parce que j’avais une plaine considérable à traverser où je pourrais être chargé par des Cosaques cachés dans la forêt que je longeais à droite. J’en vis quelques-uns, en effet, mais n’étant pas en assez grand nombre, ils ne vinrent pas nous attaquer.

Le soir au bivouac, le commandant me fit faire des mémoires de proposition pour de l’avancement, et pour la décoration de la Légion d’honneur, ainsi qu’un ordre du jour pour des nominations de sous-officiers et de caporaux. Mon sergent-major fut fait adjudant sous-officier. Je cite cette promotion, parce qu’il