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faible qui avait indiqué le village où s’était retirée notre cavalerie. En envoyant des obus, l’ennemi voulait l’incendier et faire périr nos chevaux dans les flammes.

Dès le point du jour, j’envoyai des sous-officiers sur les derrières pour chercher le bataillon, mais ils ne le trouvèrent pas. Plus tard je vis passer le général Reiset à la tête de sa brigade de cavalerie. Je lui demandai des nouvelles du bataillon, il ne put m’en donner. Je lui exposai mon embarras et mes inquiétudes sur le compte de mes camarades ; il me dit : « Venez avec moi. — Merci, mon général, si la bataille recommençait pendant que je serais dans la plaine, je serais broyé entre tant de chevaux. Je me tirerai mieux d’affaire avec mes quarante hommes isolés. » Il rit de mon observation et l’approuva.

Enfin, dans la journée, j’appris que le bataillon était à Holzhausen depuis la veille au soir. Je m’y rendis ; on fut bien surpris de me revoir, car on nous croyait tous prisonniers. La journée se passa en concentration de troupes et dispositions préparatoires pour la bataille du lendemain qui devait décider la question restée indécise la veille.

18 octobre. — La matinée de cette journée fatale à nos armes fut calme. Près de 300 000 hommes sur le point de s’entr’égorger attendaient sous les armes que le signal fût donné. Avant que l’action s’engageât, le major Fabre, notre chef de bataillon, promu à ce grade depuis moins d’un mois (mais resté à notre tête jusqu’à ce qu’un chef de bataillon fût venu le remplacer), réunit les officiers pour leur demander s’il n’était pas plus convenable d’aller combattre dans les rangs du 6e corps auquel nous appartenions et où nous étions connus des généraux, que de rester au 11e, auquel nous nous trouvions attachés sans savoir pourquoi et où personne ne faisait attention à nous. Tous les officiers furent de cet avis et nous quittâmes aussitôt cette partie du champ de bataille pour nous porter de l’autre côté de la Parthe, sur la route de Duben, par où nous étions arrivés le 16 au matin et où se trouvait le 6e corps. Dans cette marche nous trouvâmes la Garde impériale qui était en réserve, prête à se porter partout où sa présence deviendrait nécessaire.

Arrivés à ce point, la bataille commença. Le cercle du combat s’était rétréci ; nous étions dans un centre de feu, car partout, sur tous les points, dans toutes les directions, on se battait. Au passage de la Parthe, l’armée saxonne passa à l’ennemi sous nos