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rondes de nuit, qui se renouvelaient souvent à cause de la désertion générale des soldats hollandais, belges, rhénans et même piémontais. Le froid fut très dur, cette année ; le Rhin gela complètement, à pouvoir passer en voiture sur la glace ; on allait à pied au fort de Cassel. Cette circonstance fit encore redoubler la surveillance des postes, car l’ennemi pouvait en profiter et achever la défection commencée. Pendant les deux mois que nous restâmes dans ce faubourg, nous eûmes quelques combats à soutenir contre les troupes du blocus qui étaient peu dangereuses, car c’étaient en général des conscrits levés de la veille ; mais nous étions si faibles, si accablés par la fièvre typhoïde, que nous ne valions guère mieux que les assiégeants.

Une grande calamité avait frappé notre malheureuse garnison et les habitants de la ville. Pendant plus de deux mois la mort sévit avec tant de violence qu’on ne pouvait pas suffire à enlever les victimes de cette horrible maladie. Les pestes d’Asie, la fièvre jaune des colonies ne firent pas autant de ravages que le typhus dans Mayence. On estime qu’il mourut 30 000 militaires ou habitants. On faisait des fosses qui contenaient jusqu’à 1 500 cadavres qu’on brûlait avec de la chaux. Nous perdîmes nos trois chirurgiens, trois officiers de voltigeurs, cinq ou six autres des compagnies du centre et la moitié de nos soldats. (C’est ainsi que nous fûmes plus faibles à notre départ de Mayence que lorsque nous avions passé le Rhin au retour de Leipsick, malgré les nombreuses recrues reçues avant le blocus). Le préfet, le fameux Jean Bon Saint-André, plusieurs généraux, et beaucoup de personnages haut placés succombèrent.

Au retour du beau temps, nous rentrâmes en ville, ce qui nous plut très fort, ayant été fort mal pendant ces deux mois de séjour dans ce faubourg ruiné. Avec les jours de mars et la douce chaleur du printemps, revinrent la santé, la gaieté et les décevantes espérances de meilleurs jours. On forma un Conseil d’administration des convalescents, sous la présidence du colonel Follard qui eut pleins pouvoirs du général en chef pour accorder tout ce qu’il demanderait dans l’intérêt des militaires qui seraient envoyés au dépôt des convalescents. J’étais le deuxième membre et le plus actif, puisque j’étais chargé de l’exécution de tout ce qui avait été délibéré et adopté dans la séance du Conseil qui se tenait le matin de chaque jour. J’avais plus de 40 officiers sous mes ordres (un pour chaque corps ou portion