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Bretagne, mise à exécution qu’au début d’octobre, car on craignait le voisinage des Prussiens qui avaient pénétré jusque dans le Morbihan.

Le maréchal de camp Fabre eut la mission de nous licencier. Mission douloureuse, pour un militaire qui aimait ses compagnons de gloire et son pays. Le 3 octobre, nous passâmes la dernière revue comme 47e. Le lendemain 4, les derniers débris de cette vaillante armée, qui pendant vingt-quatre années avait rempli le monde de ses exploits et montre ses immortelles couleurs dans toutes les capitales de l’Europe, étaient disséminés sur toutes les routes, le bâton à la main comme des pèlerins, demandant protection à ces ennemis que nous avions si souvent vaincus, plus généreux que nos compatriotes qui traitaient de Brigands de la Loire ces nobles vétérans de la gloire, ces victimes de la trahison.

Il y avait dans le port un chasse-marée en partance pour Bordeaux. Pour ne pas être obligé de rencontrer sur ma route les oppresseurs de mon pays, les soutiens de ces nobles qui se vengeaient sur nous des vingt-cinq années d’humiliations que la Révolution leur avait fait subir, j’y pris passage avec deux officiers.


J. -B. BARRES.