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avec son modèle. Il ne manqua pas, quand il revint en 1810, de reprendre cette habitude et ce journal dialogué abonde en traits piquants, On y voit dans les dernières scènes intervenir Marie-Louise. Comme l’Empereur évoque le temps où « cette dame, » montrant l’Impératrice, le détestait et souhaitait sa mort : — « C’est vrai, souligne-t-elle. » Dès la première entrevue de 1802, Canova avait déclaré qu’il trouvait dans les traits de son modèle les formes « les plus favorables à la sculpture et les plus applicables au style héroïque de la figure telle qu’il la projetait. » Et il va sans dire qu’il la projetait dans l’état de nudité idéale et mythologique et dans la « manière grecque : » Græca res est nihil velare. Quatremère de Quincy, prévoyant que le « goût français » et Napoléon lui-même, « trop étrangers encore aux notions du Beau absolu, » pourraient résister à l’autorité de ces théories sublimes, multipliait les explications, raisonnements et démonstrations. Il finit par suggérer qu’une statue équestre en bronze serait mieux adaptée encore qu’une effigie en pied, à la dignité du sujet et aux convenances du grand art… Il ne reste de ce projet abandonné que la gravure d’une maquette avec cette dédicace : Ant. Quatremère quod auctor et suasor semper fuerit ut equestre signum aliquod arte sua excuderet.

C’est dans un superbe bloc de marbre commandé à Carrare que fut taillé, plus tard, le Napoléon debout, tenant dans la main droite une Victoire ! qui est aujourd’hui à Londres, — tandis qu’on coulait en bronze la statue conservée au musée Brera de Milan. La préoccupation du u Style » et de l’antique y ont guindé l’allure du héros, dont le type généralisé fourneau symbole, au détriment du portrait… C’est dans l’ébauche que David fit d’enthousiasme dans son atelier du Louvre, pendant la visite qu’il reçut de Bonaparte, retour d’Égypte, puis, dans le portrait du Sacre et aussi dans l’extraordinaire effigie quasi hiératique, mais d’une si intense expression, que le jeune Dominique Ingres peignit de l’idole impériale, avec des ferveurs de primitif, qu’il faut chercher les vrais portraits historiques et définitifs du général et de l’Empereur.

Canova, nous l’avons indiqué déjà devait revenir en 1810 pour le buste de Marie-Louise ; entre temps, il avait eu à sculpter les statues de Madame Mère, en Agrippine, et de la sœur de Bonaparte, Pauline, princesse Borghèse, en Vénus victorieuse.