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On sait assez les anecdotes plus ou moins authentiques qui coururent à propos de cette statue, qui n’était guère, après tout, beaucoup plus hardie, dans sa nudité mythologique, que celle de la duchesse de Bourgogne par Coysevox en Diane chasseresse ou de Marie Leczinska en Charité par Guillaume Coustou et. en Junon par Pajou.

Il était enfin réservé à Canova de faire, en 1815, après Waterloo et quand Louis XVIII eut repris possession du trône de France, un troisième voyage à Paris... C’était cette fois comme délégué, non seulement du Pape, mais des alliés, et pour présider à la reprise des objets d’art que le traité de Vienne restituait aux puissances victorieuses...

Il y retrouva son cher Quatremère de Quincy, redevenu, comme tant d’autres Français, bon royaliste, après avoir été ardent républicain et impérialiste zélé. Il put du moins rappeler à son ami, qu’il avait été, au temps des victoires, au premier rang de ceux qui, avec David et un groupe des principaux artistes parisiens, prirent l’initiative d’une généreuse pétition demandant qu’on ne mobilisât violemment, qu’on « n’exilât » aucun chef-d’œuvre des musées étrangers...

Il avait hâte de regagner Rome où l’attendaient des travaux dont sa gloire multipliait les commandes. Il n’aurait pu y suffire seul, et dans son atelier, ou plutôt ses ateliers agrandis, une nombreuse équipe d’élèves, formés par lui, collaborait à cette immense production. Mais le maître était toujours présent, intervenait partout de ses directions et de sa main,... inventant même des râpes et des outils perfectionnes, mieux adaptés au travail expressif de la guerre et du marbre. On a vu comment il avait contracté, en maniant le trépan dans la crinière des lions du monument Rezzonico, le germe de la maladie qui allait de plus en plus réduire ses forces et son aptitude au travail manuel, quand il revint triomphalement à Rome, après ce dernier voyage de Paris...

Ce n’est pas une histoire descriptive de l’œuvre de Canova que nous nous sommes proposé d’écrire, et nous n’entreprendrons pas de parler de toutes les stèles funéraires, de tous les dieux, demi-dieux et déesses, héros, nymphes et allégories qui sortirent encore de cette prodigieuse fabrique de statues. On a vu comment s’y combinèrent et amalgamèrent, dans les plus considérables comme dans les moindres, ses velléités, son génie propre et les