Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/908

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femmes dans les écoles militaires, pour en faire des officiers. Il y eut, en outre, un bataillon composé exclusivement de femmes, qu’on vit, dans l’été de 1917, pour la plus grande joie des badauds, s’entrainer devant le Palais des Ingénieurs à Pétrograd. Le 27 octobre, la nuit de l’insurrection bolchéviste, ce furent elles qui, avec les aspirants et les porte-enseigne, défendirent le Palais d’Hiver où se terraient Kerensky et ses ministres. Et lui, ce commandant suprême, ce ministre de la guerre, ce chef du gouvernement, les trahit lâchement et s’enfuit du Palais d’Hiver, tandis que lies malheureuses jeunes filles étaient capturées et conduites dans les casernes par la soldatesque triomphante qui les soumit aux pires injures.

Parmi ces femmes-guerrières, se distingua particulièrement, au cours de notre campagne, l’aspirant baronne de Bodé : charmante jeune fille, élève d’un couvent aristocratique, elle avait gagné le front sous un déguisement. Sa bravoure était sans limites. Elle périt près d’Ekalerinodar, au lieu dit « les Jardins d’Ekaterinodar, » dans une audacieuse et inutile charge de cavalerie. Son cheval fut tué sous elle. Ayant réussi à se dégager, elle combattit à pied : c’est alors qu’elle tomba mortellement blessée. Six mois plus tard, son corps fut retrouvé et inhumé avec les honneurs militaires à Ekaterinodar, lors de la seconde incursion de l’armée du Kouban.

Au bolchévisme nous devons la femme-bandit, la célèbre Maroussia Nikiforova, dont la cruauté est restée légendaire. Avec l’aide de bandits comme elle sur lesquels elle exerçait une autorité absolue, elle accomplit de sinistres exploits.

Je me suis trouvé dans un village du Don, la Kagalnitzkaïa, quelque temps après le siège qu’en fit Maroussia. Toutes les maisons avaient été brûlées. Une des deux églises, construite en bois, fut entièrement consumée ; pour l’autre, qui était en pierres, ce fut plus difficile. Maroussia la fit emplir de paille qu’elle arrosa de pétrole et alluma de ses mains.

J’ai vu ces ruines pitoyables : la coupole effondrée, les murs calcinés, le clocher mutilé. Je tiens d’un témoin que Maroussia, pendant l’incendie, était comme folle. Tous les Cosaques, devant l’attaque bolchéviste, ayant quitté le village (c’était pendant l’insurrection du Don au printemps 1918), il ne restait que les femmes, les enfants et les vieillards. Maroussia en personne fusilla un prêtre. Tout le temps que brûla l’église de pierre,