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tout à côté, ne furent pas blessés : à peine eurent-ils quelques égratignures provenant de la chute du plâtre Le premier émoi passé, ils aperçurent dans un nuage de poussière et de fumée Korniloff qui agonisait. Avec l’aide des soldats tourkmen, de crainte qu’on eût à essuyer d’autres projectiles, ils le transportèrent en toute hâte hors de la maison et, l’ayant couché à terre, se mirent à chercher l’endroit de la blessure.

Le général mourut entre leurs bras sans avoir repris connaissance. A cet instant, accourait le général Denikine.

Comme on le constata par la suite, Korniioff ne portait trace d’aucune blessure sérieuse. Sa mort fut causée non par les éclats de l’engin, mais par une contusion et par la commotion qu’il reçut, car il fut projeté par l’éclatement contre le mur.

Ainsi mourut à son poste un grand patriote russe, un soldat qui avait consacré toute sa vie à la patrie. Il périssait victime d’un engin dirigé par une main russe. Celui qui risqua sa vie des centaines de fois dans les combats, fut tué par un hasard aveugle.


Toute la vie de Korniloff n’a été qu’une suite d’exploits. Fils d’un simple Cosaque, il termina ses études en Sibérie, au corps des Cadets d’abord et plus tard à l’École des élèves-officiers. Sans aucune « protection, » sans autres ressources que sa solde, c’est par son seul mérite qu’il se poussa à l’Académie d’État-Major. Son stage terminé, il ne poursuivit pas une carrière qui, par malheur, creusa toujours un si grand abime entre les officiers « de ligne » et les officiers « d’état-major. » Cédant à sa nature fougueuse et à son besoin d’aventures, il se fit envoyer en Asie centrale et poussa jusqu’au Pamir chinois, où il fit avec deux compagnons sûrs un périlleux voyage d’études. Ses petits yeux mongols et son nez plat, avaient favorisé son déguisement, et sa connaissance de la langue (il ne savait pas moins de neuf langues), lui permit de mener à bien sa lâche. Il revint avec un ensemble de renseignements du plus haut intérêt, n’ayant éveillé les soupçons de personne, ni chez les Chinois et les Afghans, ni chez les Anglais.

La grande guerre le trouva dans le grade de général, commandant la 48e division. En 1915, son unité est chargée de couvrir, à l’arrière-garde, l’offensive du 24e corps ; pendant cette