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Korniloff ressemblait à un homme qui aurait mis les vêtements d’un autre.

Très droit dans sa petite taille, le visage intéressant plutôt que vraiment beau, ce qui frappait en lui, c’était le regard, chargé de pensée, de ses petits yeux méditatifs et tristes. Le sourire était plein de bonté. Ses mains aux doigts longs et recourbés étaient très caractéristiques. Il n’était pas orateur ; en cela, très inférieur à Alexéïeff, et surtout à Denikine qui parlait de la façon la plus brillante.

Une autre fois, au cours de la conversation, il m’interrompit brusquement et me posa, à brûle-pourpoint, cette question :

— Pourriez-vous me dire d’où vient la légende de mes tendances révolutionnaires ?

A en juger par les idées qu’il m’exposa alors, bien certainement il n’était pas de cette droite à laquelle appartenaient la plupart des généraux II était pour la démocratie, ou, plus exactement, pour le peuple russe Mais de là on ne pouvait conclure qu’il fût socialiste et révolutionnaire.

Voici, dans les grandes lignes, quel était son programme :

1° Création d’une autorité d’Etat, absolument indépendante de toutes organisations irresponsables, — jusqu’à la réunion de l’Assemblée constituante.

2° Maintien sur place des organismes d’autorité et de justice défendus contre tout organisme nouveau tendant à usurper leurs droits.

Continuation de la guerre en pleine entente avec les Alliés , jusqu’à la conclusion d’une paix dans des conditions conformes aux intérêt vitaux et au maintien de tous les biens en Russie.

4° Constitution d’une armée disciplinée, sans intervention de la politique, sans des commissaires et des comités.

5° Amélioration des voies de transport et relèvement de la production dans les usines et les fabriques pour assurer la vitalité du pays.

Ni monarchiste absolu, ni républicain, Korniloff était un soldat et un patriote.

Je ne puis mieux terminer ces souvenirs qu’en reproduisant le discours magnifique prononcé par le général Denikine