Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un allié !

— Oui, et un ami... Tout de même, un étranger !... Alors, je compte sur votre discrétion ; vous garderez mes condoléances pour vous seul, n’est-ce pas ?... Maintenant, rapprochons-nous de vos autres convives...



Dimanche, 26 mars.

A Verdun, la lutte effroyable continue.

Malgré la rigueur du froid et l’abondance de la neige, les Russes essaient de nous venir en aide par quelques attaques sur le front de la Dvina. Ils ont remporté hier des succès appréciables dans le secteur de Jacobstadt et à l’ouest du lac Narotch.



Lundi, 27 mars.

La psychologie des criminels russes est d’un intérêt captivant ; elle offre au moraliste et au sociologue, au juriste et au médecin une source inépuisable d’observations variées, bizarres, contradictoires, paradoxales, déconcertantes, invraisemblables. Chez nul autre peuple, les drames de la conscience, les énigmes du libre arbitre et de l’atavisme, les problèmes de la responsabilité personnelle et de la sanction pénale ne revêtent un aspect aussi complexe et troublant. C’est pourquoi les dramaturges et les romanciers russes ont fait de « l’âme criminelle « leur thème de prédilection.

Par le traducteur qui, chaque matin, me rend compte de la presse, je me tiens au courant de la chronique judiciaire et je peux constater que les fictions de la littérature n’exagèrent pas la réalité. Souvent même, c’est la réalité qui dépasse l’imagination des écrivains.

Un des faits que j’observe le plus fréquemment est le brusque réveil de la conscience religieuse aussitôt que la fureur homicide ou la convoitise brutale sont satisfaites. Encore faut-il préciser, — comme je l’ai noté plusieurs fois déjà dans ce Journal, — que la conscience religieuse du Russe s’inspire uniquement de l’Évangile. Dans les âmes les plus égarées, la notion chrétienne du péché, du repentir et de l’expiation ne s’abolit jamais. Après le paroxysme cérébral et la décharge nerveuse qui ont produit l’acte criminel, on voit presque toujours