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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/154

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nom. Et voilà que, le 4 septembre, il est réveillé par un coup de canon lointain. Il se lève en hâte, descend dans la rue, avise des placards devant lesquels se groupent les passants ébahis. Il lit : c’est le récit détaillé de ses entrevues de Blolzheim et d’Illkirch avec Pichegru tel que l’indiscret Montgaillard l’a conté à d’Antraigues ! Le nom de Fauche-Borel s’étale là, en toutes lettres, comme celui « du principal agent du Roi et de l’Angleterre, » qualificatif flatteur, mais redoutable. La foudre que tenaient en réerve les « triumvirs « a frappé : Pichegru est arrêté ; les députés royalistes sont sous les verrous, Carnot est mort ou en fuite, Barthélémy gardé à vue. Barras est victorieux ; la Terreur renaît. Que faire ? Trouver un refuge. Chez qui ? Sortir de Paris. Comment ? Fauche se met en route vers Montrouge où habite Mercier, l’auteur du Tableau de Paris, brave homme qu’il connaît et qui lui donnera certainement asile ; mais la barrière est fermée et il regagne le centre de la ville où, la veille encore, il comptait tant d’amis. De toutes les portes auxquelles il frappe, pas une ne s’ouvre : « ces messieurs « sont déjà terrés ou fugitifs ; et, tandis que le malheureux erre ainsi par les rues, s’attendant à tout moment à être happé par les agents du Directoire, apercevant à tous les carrefours l’affiche du coup d’Etat où son nom saute aux yeux, songe-t-il qu’il est la cause première de la catastrophe ; que les signalés services qu’il se targue d’avoir rendus à la monarchie légitime l’ont compromise, au contraire, peut-être pour toujours ; qu’il a perdu ceux qu’il prétendait sauver ; qu’il aura sa part de responsabilité dans les fusillades, les déportations, les emprisonnements, implacables représailles du faible Directoire triomphant ? Mais non. Fauche ne réfléchit pas à ces répercussions fatales ; il ne pense pas à en tirer une leçon, heureux encore de ne pouvoir lire dans l’avenir que, sur la voie néfaste où il s’est engagé, par puérile gloriole et désir du gain, toutes ses entreprises aboutiront à de semblables désastres. Il ne pense, pour le moment, qu’à son million évanoui et à sa tête qu’il faut sauver. Après de longues randonnées, il est revenu aux environs du Palais-Royal ; en traversant la cour des Fontaines, il rencontre un commis de la librairie Panckouke avec lequel il s’est trouvé naguère en relations d’affaires et qui demeure tout près de là : — « Puis-je monter un moment chez vous ? — Oui, certainement, monsieur Fauche ; montez ; je vais m’informer de ce qui