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grand bouleversement mondial, sortir rajeunie de ses trois tombeaux. Ils misaient pour l’obtention de ce résultat sur le succès de causes politiques et d’aspirations sociales opposées ; mais le but de tous restait le même : la reconstitution de l’Etat polonais, de la nationalité polonaise.

La Providence les a bien servis. Après la ruine de l’Empire russe dans la Révolution bolchevique, ce fut l’écroulement des Empires centraux. Déjà, avant la réalisation de cette chute de tous les copartageants de l’ancien territoire polonais, des troupes polonaises, vivant témoignage des aspirations de la nationalité polonaise, s’étaient formées dans tous les camps : légions de Pilsudski, sous les drapeaux des Empires centraux, corps d’armée de Dowbor-Musznicki, en Russie, armée Haller en France, contingents polonais distincts à Mourmansk, à Arkhangel, à Odessa, en Sibérie. Dès le lendemain de l’armistice du 11 novembre 1918, marquant la défaite militaire de l’Allemagne, l’étranger était chassé de la Galicie comme de la Pologne russe : la Pologne se retrouvait vivante. Et peu après, la Posnanie expulsait à son tour en les désarmant ses garnisons prussiennes et formait les belles troupes qui, dès mars 1919, allaient permettre de débloquer Lemberg serré de près par les Ukrainiens.

L’élan de la nation polonaise s’est montré unanime, aussi bien dans le domaine civil que dans le domaine militaire. Les facultés intellectuelles de la race sont particulièrement brillantes et séduisantes. Pourquoi la position de la Pologne reste-t-elle donc si difficile, principalement dans le domaine économique ?

Pour le comprendre, il faut percevoir toutes les difficultés, tous les obstacles au milieu desquels la Pologne n’a cessé de se débattre depuis qu’elle est revenue à la vie.

Et avant tout, envisageons ses difficultés économiques et financières.

Quand l’Etat polonais s’est reconstitué, il est entré en ménage sans un sou. Dans aucune des trois parties de la Pologne, il n’existait une encaisse métallique garantissant la circulation fiduciaire. La Galicie avait pour monnaie la couronne autrichienne, dont on connaît la triste chute. La Pologne russe voyait la valeur de ses roubles-papier baisser à mesure que s’aggravait la catastrophe en Russie bolchévisée. Bien plus,