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elle était inondée de 800 millions de marks dits polonais, imposés par l’Allemagne pour payer ses dépenses en territoire russe occupé, marks soi-disant garantis par les grandes banques allemandes, mais dont pas un n’a été remboursé depuis. Seule, la Pologne allemande, disposant de marks allemands, se trouvait en moins mauvaise posture, et c’est ce qui explique que tout naturellement la situation économique y ait été notablement meilleure, mais la chute du mark allemand, quoique moins grande que celle de la couronne et du rouble, lui a également porté un tort grave.

Les autorités allemandes d’occupation ne s’étaient pas bornées du reste à inonder la Pologne russe d’un papier-monnaie sans réelle garantie. Elles avaient apporté à la lutte contre les industries locales l’âpre esprit de destruction systématique que nous avons connu chez nous et en Belgique : enlèvement des matières premières, des courroies de transmission, des pièces de cuivre des machines, etc.. Tout a été à reconstituer, comme chez nous, mais sans le secours du reste d’un pays riche, comme la France le demeure malgré ses cruelles épreuves.

Enfin, pour aggraver encore cette terrible situation, la guerre étrangère commençait dès le jour même de la reconstitution de la Pologne : guerre avec les Ukrainiens, parce que les autorités austro-hongroises avaient eu soin de tenir groupés en Galicie orientale des régiments ruthènes à cadres en partie allemands, et que les Allemands, avant d’évacuer l’Ukraine, avaient préparé et facilité l’entente entre ces éléments ruthènes et le gouvernement de Petlioura ; guerre avec les bolchévistes russes cherchant à étendre vers l’Ouest leurs razzias, et à la marche desquels, malgré les stipulations de l’armistice du 11 novembre, les troupes allemandes de Russie n’opposaient qu’un semblant de résistance, quand elles ne leur vendaient ou livraient pas armes et approvisionnements de tout genre.

Et cette guerre a duré sans arrêt jusqu’en octobre 1920. Elle a amené les armées rouges jusque sous Varsovie, sauvée par le miracle de la Vistule comme Paris l’avait été en 1914 par le miracle de la Marne. Elle a forcé la Pologne à mobiliser 950 000 hommes, à consacrer à la lutte pour le sol national toutes ses ressources de tout genre, à engager d’énormes dépenses qui ont aggravé singulièrement les difficultés financières. Elle a laissé tout l’Est du territoire polonais razzié,