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profond dans la manière de l’écrivain. Cette lumineuse intelligence s’était encore élevée. L’ardent, polémiste de 1821, l’éloquent historien de 1825 et 1827, le narrateur pittoresque de récits héroïques a fait place à un dialecticien qui envisage désormais l’histoire sans passion. Les derniers chapitres frappèrent par leur sérénité. Explicable apaisement ; puisqu’à ses yeux la révolution de 1830 et la victoire du droit national sont l’aboutissement bienheureux et logique, la fin nécessaire des traditions françaises ; qu’est-il besoin de batailler à nouveau, pourquoi lutter encore pour cette bourgeoisie si longtemps opprimée, aujourd’hui qu’elle est triomphante, plaider la cause des vaincus à présent qu’ils sont devenus les vainqueurs ?

Déterminé, bien qu’elles en dépassassent sensiblement le cadre, à donner les Considérations sur l’Histoire de France comme introduction aux Récits des Temps Mérovingiens, Augustin Thierry, pour acquitter un juste tribut de reconnaissance, voulut dédier au Duc d’Orléans ce livre, le dernier dans sa pensée, qu’il lui fût peut-être permis d’achever. Il fit demander l’agrément du prince par son secrétaire des commandements, M. de Boismilon, et reçut en retour la plus flatteuse réponse.

C’est donc, en quelque sorte, sous le patronage officiel de l’héritier du trône que les Récits des Temps Mérovingiens parurent chez l’éditeur Just Tessier, au mois de mars 1840.

De tous les ouvrages d’Augustin Thierry, ils sont demeurés le plus célèbre et le plus répandu. Les contemporains, Sainte-Beuve, Sylvestre de Sacy, Gustave Planche, Dufaï, Libri, Hippolyte Lucas, s’accordèrent à célébrer la plume « pour qui toute composition historique était un travail d’art autant que d’érudition » et, ne séparant pas l’historien du peintre et du poète, louangèrent sans réserves l’évocateur incomparable « qui s’était rendu le contemporain des temps qu’il prétendait faire revivre à nos yeux. » On ne s’avisa point alors de lui reprocher d’avoir outrepassé les limites du roman et de l’histoire, ni d’enjoliver Grégoire de Tours.

Dans la copieuse liasse des témoignages admiratifs de toute sorte qui parvinrent au passage Sainte-Marie et que Mme Augustin Thierry conservait avec un soin dévot, parmi ceux de Jouy, de Jules Janin, de Ch. de Rémusat, de Louis de Carné, de Nisard, de Magnin, de Paul Lacroix, etc., je ne m’arrêterai qu’au suivant pour la grande signature qu’il porte.