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qu’ils soient, ses coups de griffe n’en vont pas moins sûrement à leur adresse.

On la trouvera sous le titre : Lettre à M. Charles Nodier sur la Restitution des noms germaniques dans les dernières éditions de Dix ans d’Études historiques.

La dispute prit ainsi fin, non sans laisser au cœur de l’historien quelque ressentiment pour son antagoniste. Sa rancune toutefois ne tint pas devant cette lettre si noble et si touchante qu’il reçut de Mme Ménessier-Nodier, aussitôt après la mort de son père :

« Dans la douloureuse épreuve que Dieu vient de me faire subir, monsieur, une consolation m’est doucement restée à peu près intacte et qu’il est en votre pouvoir de m’assurer tout à fait.

« Mon père est mort, fier de n’avoir jamais conçu d’inimitié pour personne et plein d’espérance dans le pardon de ceux qu’il avait pu offenser involontairement. Je crois accomplir un de ses vœux les plus chers, en vous demandant l’oubli complet d’une vaine discussion de mots, dans laquelle, par bonheur, ni le caractère, ni le talent de l’un ou de l’autre, ne furent mis en jeu.

« Je ne saurais vous dire, monsieur, combien l’idée que ce souvenir adorable et béni vit avec amertume au fond d’une âme honorable et éminente ajouterait de peine à la peine inconsolable que je ressens. Mais il ne m’est pas permis de douter : je sais que mon inquiétude a été comprise et devinée : je ne veux donc chercher ici que le moyen de vous faire parvenir la profonde expression de ma gratitude et mes sentiments les plus absolument distingués.

« Marie Nodier-Ménessier. »


Désarmé par un pareil appel, il s’empressa de répondre :


26 février 1844.

« Madame,

« Je suis l’un de ceux qui ont le plus admiré tout ce qu’il y avait de bon et de beau dans le caractère et le rare talent de votre illustre père, et la circonstance dont vous avez la bonté de me parler avec regret, n’a laissé, je vous l’assure, dans ma pensée, ni aigreur, ni rancune personnelle. C’était un conflit d’opinions, je l’ai soutenu de mon mieux et voilà tout. Sans la triste fatalité qui me retient hors du monde, je serais allé m’expliquer de vive voix avec mon redoutable adversaire, et peut-être cette