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REVUE LITTÉRAIRE

L’EXEMPLE DE CLAUDE COCHIN [1].

« Les rangs des bons ouvriers de la régénération française sont décimés. » Ces tristes mots de si poignante vérité, Claude Cochin les écrivait, à peu de jours de l’armistice, le 1er novembre 1918. Et, peu de semaines plus tard, disparut encore un bon ouvrier de la régénération française : Claude Cochin mourut le dernier jour de l’année glorieuse.

On ne finira pas d’évaluer les pertes que nous a coûtées la guerre. Les statistiques ne comptent que les quantités : si terribles qu’ils soient, les chiffres ne disent pas tout : ce qui reste immense et indéfini, c’est la somme de vertu mentale et morale qui nous a été retirée, à la veille du grand effort que demande l’œuvre nouvelle d’une patrie à réconforter. Nous ne saurons jamais ce que nous avons perdu. Il n’y a point à se dire, en manière de consolation philosophique et doctrinale, que l’histoire obéit à des lois, non pas à des volontés particulières, et suscite les hommes dont elle a besoin comme d’instruments. Il nous est impossible de concevoir ce qu’il serait advenu de la France, au lendemain de la Révolution, si Bonaparte fût mort à vingt ans ; et nous rêvons avec une tristesse inutile sur le tour que la poésie de France aurait pris, depuis la Révolution, si Chénier avait eu sa destinée. Qui l’a remplacé ? Personne, en son temps : la poésie, pendant un quart de siècle, fut abolie. Parmi les enfants qui sont morts dans

  1. Supplément à la Correspondance du cardinal de Retz (Hachette, 1920) ; Henry Arnauld, évêque d’Angers (Auguste Picard, 1921) ; — Dernières pages, notes du front et de l’arrière (Hachette, 1920) : et plus de vingt brochures, relatives à des sujets d’histoire ou d’archéologie, publiées de 1906 à 1914.