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et merveilleusement claires. Il n’y avait pas jusqu’au léger panache, d’un blanc d’argent, rosé par le soleil, formé par l’éclatement des shrapnells, qui ne fût charmant. Il monte vers le ciel pâle, comme le nuage de Béatrice, et il semble porter avec lui toutes les âmes qu’il vient de détacher brutalement de leur corps. » Le nuage de Béatrice est au vingt-troisième chapitre de la Vita nova.

Pendant son séjour au palais Farnèse, Claude Cochin fut le type du « Romain « parfait, qui travaille dur et qui cependant ne s’enferme pas dans le passé qu’il recherche. Un bon esprit n’est jamais à court de loisir. Claude Cochin visita l’Italie en amateur de l’art et de la nature. On le vit aussi dans les salons, joli homme du monde et qui fait apprécier la courtoisie de chez nous.

Principalement, il travaille. L’une de ses curiosités les plus vives est pour notre fol cardinal de Retz. Il trouve Retz et trouve d’autres plaisantes figures : il les accueille volontiers. Il a, comme on dit, un sujet : cela ne l’empêche pas de baguenauder aux alentours. Et il fut ainsi, toute sa vie, très méthodique, assez pour ne point refuser, le cas échéant, les attrayantes excursions. J’aime beaucoup les deux douzaines de brochures qu’il a publiées depuis les Chartes jusqu’à la guerre et qui ont trait aux questions les plus diverses. Chaque fois, il apporte un document.

Or, nous avons de beaux esprits, mais nonchalants, qui dénigrent les documents volontiers, disant que ce fatras encombre l’histoire et en cache les grandes lignes... Un document, c’est du passé tout neuf, c’est une bribe du passé qu’on a tirée de l’oubli ou de la mort. J’ai vu tirer du sol humide, par un clair soleil, à Délos, un buste d’homme de l’époque (je l’avoue) gréco-romaine, en marbre : et le sable délayé coulait sur le visage lentement, l’animait d’une espèce de vie étrange. On eût dit que les yeux toléraient difficilement la lumière. Un document qu’on retrouve a ainsi l’air de frissonner au jour soudain.

Les documents de Claude Cochin sont tous attrayants. Et j’en citerai deux, pour la raison qu’ils m’ont fait grand plaisir.

L’un, qui nous montre, — et voyez-la, — une rue de Carpentras en l’année 1694. Ne dites pas que vous avez d’autres soucis et intérêts. Carpentras appartenait au Comtal-Venaissin, que gouvernait un vice-légat pour le pape : et les affaires du Comtat relevaient d’une congrégation d’Avignon séant à Rome. Claude Cochin, le premier, lut les archives de cette congrégation : il en eut beaucoup de joie. Et voici ce qu’il trouva. Le 23 août 1694, l’évêque de Carpentras, Buti, s’adresse