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à la congrégation d’Avignon ; car il est malheureux : les joueurs de ballon troublent son repos. Le vacarme qu’ils font dans la rue s’entend de la cathédrale et pendant les cérémonies. On a été obligé de murer la grande fenêtre de l’église des Ursulines, parce que le ballon plus d’une fois l’avait traversée. Puis quatre fenêtres du couvent donnent sur la rue ; et qu’arrive-t-il, pour le dommage des bonnes mœurs ? Les nonnes et les jeunes filles à elles confiées n’ont pas les oreilles fermées aux paroles sacrilèges ou licencieuses des joueurs. Ni les yeux : et elles risquent de les voir, au jeu, » presque dépouillés de vêtements. » L’évêque se demande s’ils n’ont pas choisi cette rue afin d’y avoir de telles admiratrices. En face du couvent des ursulines, Mgr Buti a son palais épiscopal. S’il ferme la croisée, il se condamne à l’obscurité ; il expose ses carreaux à être rompus. Ouvrez donc la croisée, monseigneur ! C’est donner accès tout ensemble au soleil, à la poussière, au vent et au ballon. Certain jour, le vicaire général, en termes bien civils, avertit les joueurs que « quatre ballons étaient entrés dans les appartements épiscopaux, avec bris de vitres et grande confusion des gens venus à l’audience. » Les gaillards ne firent qu’en rire ; plusieurs ajoutèrent à leur gaieté injures et menaces. Le vice-légat résolut d’intervenir ; défense fut par lui promulguée de jouer au ballon dans la rue principale sous peine de cent écus d’amende. Les gaillards, trop malins, attaquèrent devant la congrégation l’ordonnance du vice-légat, comme contraire à la liberté des rues et à la coutume ancienne. Et c’est alors que l’évêque eut à plaider la cause des bonnes mœurs et du silence. La congrégation lui donna raison. De sorte qu’il y a, aujourd’hui encore, à l’extrémité de la ville de Carpentras, loin des couvents, du palais épiscopal et des églises, un boulevard du Jeu de ballon, qui indique l’endroit où retirèrent leur gaieté les drilles de l’été 1694. N’aimez-vous point cette anecdote où reparaissent, font trois petits tours et s’en vont les futiles souvenirs de tranquilles ou joyeuses personnes depuis deux siècles défuntes ?

L’autre document que je disais, Claude Cochin l’a publié avec son cousin, l’un des héros les plus admirables de la guerre et qui était un grand esprit, Augustin Cochin. En 1668, un certain abbé Nicolas Desisles d’Infrenville, souhaitant de convertir les hérétiques, songea qu’il fallait assurément leur prêcher la convaincante vérité, mais qu’on pouvait en outre s’adressera leurs qualités moins recommandables que la raison raisonnante. Il parcourut les provinces, prit sur les gens d’ici et de là ses fines informations et dressa un tableau des