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rugissement de ces lions n’est pas une musique qui me soit fort agréable. Les renards, les singes et autres animaux plus fins que farouches me feraient bien mieux passer le temps avec leurs sauts et leurs gambades... » Il se moque, il était railleur et bel écrivain. Mais Costar, le « gros archidiacre du Mans, » déplorable écrivain, Claude Cochin lui dessine et lui peint sa « trogne rabelaisienne « de la manière la plus gaie. Le XVIIe siècle de Claude Cochin ne ressemble guère à l’image qu’on en a le plus généralement faite et qui est fausse. Est-elle fausse ? Mais oui : elle n’est pas vivante. Le XVIIe siècle de Claude Cochin : la vie même, et bien turbulente.

Son cardinal de Retz : un drôle. Et quelle figure à la fois déconcertante et attrayante ! L’esprit le plus vif, une activité perpétuelle ; et, en définitive, on ne sait pas ce que Retz a voulu, ce pourquoi Retz a dépensé tant de zèle et tant de génie. Son ambition, qui nous a dit où elle tendait ? Et il échoue ; mais où allait-il ? C’est l’homme le plus bizarre qu’il y ait eu et à peu près indéchiffrable. Sa vie est scandaleuse très longtemps ; la fin de sa vie, édifiante. Et l’on n’a point l’assurance que ses dernières vertus ne soient mêlées d’hypocrisie. Claude Cochin a retrouvé cent soixante-dix lettres inédites du cardinal, lettres latines, françaises ou italiennes, et d’autres documents précieux. Une quantité de petits problèmes sont ainsi résolus. Je ne dis pas que tous les problèmes soient résolus et que l’âme de Retz nous devienne toute visible. Mais, dans les papiers du cardinal d’Este, Claude Cochin découvrit les discours échangés, le 2 décembre 1654, en cérémonie, par Innocent X et Retz. Étonnante comédie, où Retz se déclare le plus heureux et le plus infortuné des hommes : « le plus heureux, parce que, sans l’ombre de mérite, il a été exalté au cardinalat par la seule bienveillance de Sa Sainteté ; le plus infortuné, parce que, sans l’ombre de démérite, il est persécuté dans un royaume dont il n’a jamais procuré. Dieu le sait, que la paix et la tranquillité : In un regno dove (e Dio l’sa) non lia procurato se non la pace e la tranquillità di quello. » Retz, qui se vante de n’avoir donné à son pays que la paix et la tranquillité ; Retz, cardinal, et qui, devant le Pape, ne craint pas de prendre à témoin d’une contre-vérité si impudente Dieu lui-même ; un tel imposteur, s’il nous déroute, c’est par une extraordinaire facilité de mensonge. Il affirme, dans ses mémoires, qu’il a « une aversion mortelle à tout ce qui aurait la moindre apparence de girouetterie. » Or, les jansénistes comptaient sur lui et mettaient à sa disposition leur influence et de l’argent. Mais, à Rome, quand il s’agit de réussir son « accommodement, »