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il n’a point honte de se déclarer leur ennemi. Toute sa politique est une trahison subtile et continuelle. A son profit, sans doute ; et il resterait seulement à deviner quelle sorte de profit l’aguichait. Claude Cochin, qui le connaissait mieux qu’on n’a pu encore le connaître, n’a pas eu le temps de conclure : il a donné les documents qu’on n’utilisera pas avec la science, la justesse et le talent qu’il avait.

Son érudition, qui est exacte et méticuleuse, a le mérite aussi d’une intelligente gaieté. D’autres érudits sont ennuyeux : comment font-ils ? et comment fait-on pour ôter à l’intelligence la gaieté ?...

Puis la terrible année arriva. Au printemps, Claude Cochin fut élu député de Bergues. Je ne suis pas sûr que la vie politique l’ait tenté ; il aimait l’étude et les livres. Seulement, son père avait résolu de prendre quelque repos, après tant d’années accordées au bien public. M. Henry Cochin était à Bergues le sixième successeur de Lamartine : Claude Cochin fut le septième : il avait le goût de continuer. Après cela, il y eut la guerre.

Claude Cochin partit : « ses électeurs se battaient ; il allait se battre comme eux. » Son devoir de député ? Son devoir de soldat lui parut de qualité plus impérieuse. Il n’était point un homme que les sophismes séduisent. Mais, pour ne manquer à aucune de ses tâches, voici l’ « arrangement » qu’il adopta, comme l’écrit son père en termes d’une simplicité adorable : « Par la bonne grâce de ses chefs, il avait pu conclure dès l’origine un arrangement suivant lequel se combinaient ses devoirs. Tant que sa division était en action à l’avant, aux tranchées ou dans les offensives, il ne la quittait pas. Dès qu’elle était ramenée au repos, il prenait sa permission et s’en allait à ses devoirs politiques. Ainsi, il n’y eut pas un danger auquel il se soit soustrait, et il n’y eut pas non plus d’intérêt public un peu grave qu’il ait négligé. » Le courage et le dévouement bien répartis et l’un et l’autre fixés tout juste aux heures où ils ont le plus à donner, c’est l’emploi du temps que régla pour son activité Claude Cochin.

Il a passé les cinq premiers mois de la guerre sans un jour de repos. Il était en Lorraine, devant Saint-Mihiel et fut de ceux qui s’avancèrent non loin de Metz. Puis son armée se replie. Mais, il est à la bataille de l’Ourcq. Il est dans les tranchées lorsque la guerre s’immobilise ; et il subit, aux alentours de Soissons, la lenteur des jours, l’hiver. Au printemps, il est en Artois, à Carency, Ablain-Saint-Nazaire, au Cabaret Rouge, à Notre-Dame-de-Lorette. Il gagne son deuxième