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L’histoire, la politique, la diplomatie… mais elles frappaient à nos portes et c’est elles qui les secouaient si terriblement ! Comment aurions-nous vécu d’autre chose ? Même les œuvres d’imagination, même la poésie, même l’esprit, même l’humour, tout était histoire, politique, par le simple fait que l’on vivait. Ce Bourget, ce Loti, ce Boutroux, ce Barrès, ce Donnay, et Mme de Noailles, et Mme de Régnier, mais ils ont été les meilleurs diplomates de la France ! Vos imperturbables numéros, sonnant la cloche de la France au monde tous les quinze jours, ont continué à la faire aimer, à la faire admirer, à ne pas la laisser une minute, ni oublier, ni dépriser. Nos penseurs, nos écrivains, nos poètes ont établi régulièrement et périodiquement que, pendant que nos enfants se battaient, ni l’âme, ni l’esprit de la France n’avaient éprouvé nulle défaillance.

Ainsi, toute notre vieille histoire respira autour de nous, tous nos demi-dieux se penchèrent sur nous, tous nos grands capitaines combattaient près de nos chefs : ils étaient au Grand Couronné, aux deux Marnes, à Verdun ; ils passaient la revue au défilé de l’Arc de Triomphe.

Voilà les recrues que la Revue des Deux Mondes, luttant coude à coude avec les autres Revues et avec l’admirable presse de Paris, ont appelées à la rescousse, tant qu’a duré cette guerre où les morts eux-mêmes combattaient… Et, à l’heure de la paix, je veux croire que ni Richelieu, ni Mazarin, ni Talleyrand ne s’étaient absentés : l’avenir jugera cela plus équitablement.

Je voudrais pouvoir énumérer tous ceux qui ont travaillé avec vous en ces heures sombres que la victoire a soudain illuminées. La liste serait longue. Je dirai seulement, pour rappeler cette union de l’action et de la pensée, que Raymond Poincaré, tout fumant encore de la lutte, est venu dans cette maison, pour y achever la paix par cette « création continue » qu’il a, dès le premier jour, si ardemment réclamée. L’ancien et illustre Président s’est mis à son rang dans l’équipe. Et cela, c’est encore de l’histoire.

René Doumic ! Après Francis Charmes, vous avez été notre maître et notre guide ; vous avez regroupé le bataillon et tenu ferme la hampe : vous avez été solide et fin, énergique et nuancé, optimiste ! aux mauvais jours, modéré aux heures prospères, bon combattant. bon victorieux, digne de la Revue, digne de la France. Nous vous saluons comme un chef et, si le mot paraît un peu rude à votre amitié et à votre modestie, nous vous aimons comme un ami.