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même coup le contrôle unique de la police ; n’était-ce pas à lui seul qu’il appartenait désormais de veiller à la sécurité des troupes et de leurs chefs ? On pouvait objecter que la police est un instrument du pouvoir politique et administratif, plutôt que de l’autorité militaire. Riais le général Harington insistait sur les graves responsabilités qu’impliquait sa fonction. Si sa prétention ne fut pas admise, il fit comme si elle l’avait été. Quelques jours après, le 29 mai, la police anglaise procédait à l’arrestation d’une trentaine d’individus, plus ou moins suspects de propagande bolchéviste. Quelques-uns furent relâchés, les autres furent embarqués sur un voilier et déposés à Sébastopol, après avoir été dépouillés de toutes leurs pièces d’identité. L’impression, à Péra, fut très vive, mais, dans l’ensemble, favorable aux auteurs responsables de cette procédure sommaire ; le bruit s’était répandu d’un complot terroriste, de bombes et d’engins explosibles découverts dans une chambre d’hôtel ; heureusement, la police veillait, on se sentait protégé. Celte première expérience démontra qu’en prenant les gens par la peur, on leur ferait aisément accepter les actes les plus arbitraires.

Six semaines après, le 11 septembre, éclatait le coup de théâtre du « grand complot. » Le commandant en chef des forces alliées d’occupation, prévenu qu’une vaste conspiration s’était formée en vue de susciter une révolution h, Constantinople et de l’assassiner lui-même, avec quelques autres officiers, remettait aux autorités turques la liste des présumés coupables et en exigeait l’arrestation dans un délai de sept jours, faute de quoi il serait obligé de prendre contre la population des mesures de rigueur. La liste remise par le général Harington au ministre de la guerre ottoman comprenait vingt-huit noms, dont onze appartenaient à des hommes politiques turcs résidant alors à Angora, tandis que les dix-sept autres désignaient d’une manière insuffisante des personnages parfaitement inconnus. Un prénom et un lieu d’origine, voilà par quoi la police anglaise désignait les autours d’une conspiration redoutable. D’arrêter les gens d’Angora, il n’était pas question ; mais comment découvrir dans Constantinople Ali de Yalova ou Mehmed de Trébizonde ?

Les Turcs ne furent pas embarrassés pour si peu. Ils félicitèrent le général Harington d’avoir heureusement échappé à un grand danger, se félicitèrent eux-mêmes de ce que la honte