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doivent être protégées, comme elles l’ont toujours été, par un statut spécial ; mais nous nous révoltons à l’idée que ces minorités, déclarant insuffisants les privilèges et les garanties attribués à leurs patriarcats, prétendent recourir à l’appui des Puissances étrangères pour nous imposer, à nous Turcs musulmans, qui sommes chez nous, leurs propres conditions.

« Enfin nous sommes démocrates, tout en restant attachés à la monarchie, comme à la seule forme de gouvernement qui convienne à ce pays. Quelques-uns d’entre nous sont libres penseurs ; mais nous avons tous le respect profond des croyances et des institutions religieuses. Vous savez d’ailleurs qu’il ne peut y avoir en Turquie ni anticléricalisme, ni cléricalisme, puisqu’il n’y existe pas de cléricature. Je puis me faire hedjà demain et redevenir laïque huit jours après. Nous reconnaissons, pour notre part, la double autorité, temporelle et spirituelle, du Sultan-Calife. Si vous me demandez quelle est, sur ce dernier point, l’attitude de nos amis d’Angora, je vous répondrai qu’ils considèrent le Sultan comme étant effectivement prisonnier des Alliés et privé de l’indépendance qui lui est nécessaire pour exercer son pouvoir temporel ; quant à sa dignité et à son autorité religieuses, elles demeurent intactes, en Asie comme en Europe, et c’est au nom du Calife que Moustapha Kemal enrôle les paysans anatoliens pour la défense de la patrie et de la foi. »


LE TURQUISME. — STATUT TERRITORIAL ET STATUT POLITIQUE

Le rédacteur en chef de l’Ikdam, tout en insistant peut-être avec quelque complaisance sur la modération du programme nationaliste, avait fort bien marqué les différences qui le séparent de celui de l’Union. Entre l’un et l’autre, il y a la grande guerre et l’échec désastreux du système politique conçu par Talaat. Enver, Djemal et leurs amis. Sans doute, on peut rattacher le mouvement kémaliste de 1919 au mouvement jeune-turc de 1900 : mais c’est méconnaître une partie de la réalité que de vouloir les confondre. Le Kurde Loufti Fikri Dey, ancien député du Dersim et l’un des leaders de l’Entente Libérale, au temps où ce parti groupait autour des Turcs modérés les allogènes : Arabes, Arméniens, Kurdes et Albanais, avait formulé un jour devant moi ce jugement frappant, mais sommaire : « La révolution d’Angleterre fut inspirée par un principe