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l’armée et une partie de la gendarmerie, aussi longtemps que la Grèce et la Russie menaceront l’intégrité du territoire turc.

On aperçoit aisément, à travers ces formules, la préoccupation de ménager les exigences et les susceptibilités du gouvernement d’Anatolie. On voit aussi, en se reportant au traité de Sèvres et à l’accord tripartite, que les conditions économiques énumérées sont autant de concessions, que la Turquie demandait aux Puissances alliées de lui octroyer. Invités à faire connaître celles que, de son côté, la Turquie était prête à offrir aux Puissances alliées, les hommes d’Etat de Constantinople gardaient le silence ou répondaient en termes très vagues : ou bien ils n’osaient pas s’engager sans l’aveu d’Angora, ou bien ils avaient la simple honnêteté de reconnaître que les engagements pris par eux seuls ne vaudraient rien.

Entre les représentants des Puissances et le Gouvernement de Constantinople subsistait une équivoque, ou un malentendu, que d’une part et de l’autre on se gardait bien de définir, et qui peut se traduire ainsi. Les Alliés disaient aux ministres du Sultan : « Mettez-vous d’accord avec Angora ; après quoi, nous ferons la paix avec la Turquie. » Les ministres du Sultan pensaient : « Jamais les Nationalistes d’Angora ne reviendront à Constantinople, avant de savoir ce qu’ils y trouveront ; et jamais nous ne pourrons exécuter les conditions d’une paix qu’ils n’auraient pas consentie. Ce sont les Alliés qui ont creusé le fossé entre l’Europe et l’Asie ; c’est à eux qu’il appartient de le combler : eux seuls en ont les moyens. »


MAURICE PERNOT.