Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ESQUISSES CONTEMPORAINES

M. MAURICE BARRÈS

II [1]
EN ATTENDANT LES BARBARES

Sauf de bien rares exceptions, ce n’est que par des œuvres d’imagination qu’un écrivain s’impose au grand public. Le Génie du Christianisme lui-même n’aurait pas fait entrer du premier coup Chateaubriand dans la gloire, sans les deux « épisodes « d’Atala et de René que l’auteur y avait subtilement insérés. Plus près de nous, les Essais de psychologie contemporaine ont eu certainement moins de lecteurs qu’Un crime d’amour et que Cosmopolis. C’est sans doute ce qu’avait obscurément senti M. Barrès en réservant, dès ses débuts, à l’art du roman, son effort littéraire le plus soutenu. Le roman, dans la littérature d’aujourd’hui, remplit exactement la fonction que remplissait la tragédie dans la littérature classique. Cette forme d’art est si souple, elle se prête à des talents si divers, à des conceptions si variées, qu’elle ne peut manquer d’attirer et de retenir tous ceux qui ont quelque imagination dans la pensée [2]. Mais les premiers romans de M. Barrès étaient d’une

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.
  2. Le théâtre, où M. Barrès s’était essayé en 1894, en donnant la Comédie parlementaire, dont la censure interdit la représentation, convenait évidemment beaucoup moins à son genre de talent et à sa tournure d’esprit. « Cette gazette, étant littéraire, s’occupera rarement des théâtres, » écrivait-il dédaigneusement dans les Taches d’encre (5 novembre 1884, p. 62).