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natal et des traditions familiales, les coule dans un moule uniforme et artificiel ; il fabrique des « déracines « et des hommes de lettres parisiens. Centralisation politique : tout le pouvoir est concentré entre les mains de quelques centaines de mandataires qui, organisés en partis, choisissent ou imposent les ministres, et. accessibles à toutes les corruptions, battent monnaie de leurs votes, de leur influence, sans aucun souci de l’intérêt public. Centralisation administrative : une immense armée de fonctionnaires couvre le pays, recevant le mot d’ordre de Paris, appliquant des règlements qui ne tiennent pas compte des diversités locales et qui répriment impitoyablement toute velléité d’originalité, toute initiative individuelle. A ce régime, la France se meurt, la France est morte. Il n’y a qu’un moyen de la ressusciter : c’est de restreindre de plus en plus le rôle de l’État dévorateur et tout-puissant ; c’est de réchauffer ou même de recréer la vie régionale ; c’est de combattre sans trêve le parlementarisme irresponsable et incompétent.

La thèse ainsi présentée est spécieuse, et j’en dirais même volontiers ce que Pascal disait de l’athéisme, qu’« il est vrai, mais jusqu’à un certain point seulement. » Car certes, nous n’allons pas nier les réels inconvénients d’une centralisation excessive. Mais nous n’irons pourtant pas jusqu’à charger ce seul bouc émissaire de tous les péchés et de tous les malheurs d’Israël. Ce n’est pas d’un excès de centralisation que la France de 1880-1910 a particulièrement souffert ; c’est, — nous le voyons mieux aujourd’hui, — de sa défaite de 1870. On pourrait même soutenir que c’est sa centralisation, qui a permis à la France vaincue de sauvegarder jalousement et de consolider son unité nationale, et de pouvoir, à l’heure du danger, faire face de toutes ses forces réunies à l’ennemi commun. La France de la grande guerre n’a pas eu, comme la Belgique, ses « flamingants, » ni, comme l’Angleterre, son Irlande. Elle est actuellement, et de beaucoup, la plus une de toutes les nations européennes : ce résultat est assez appréciable pour être payé, fût-ce un peu cher. Et cela assurément ne veut pas dire qu’il n’y ait pas lieu, maintenant surtout, de corriger les défauts et d’atténuer les excès d’une centralisation trop rigide, de décongestionner un organisme, où quelques organes, d’ailleurs essentiels, ont pris une extension démesurée, de rendre aux membres atrophiés la souplesse et la libre aisance de la vie. Mais l’opération