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ils imposent ce sentiment à leurs maîtres d’un jour. « Dans l’Empire d’Allemagne, ils ont introduit des idées et des goûts français : un peu de France, en un mot. Au rapt du sol par la violence ils ont répondu par une lente et sûre conquête morale. » « Français ne puis, Allemand ne daigne, Alsacien suis : » telle est leur devise présente. » Et nous aussi, concluait le conférencier, nous devons travailler à cela : les maintenir dans la conscience française... Notre devoir, c’est de fortifier la France le plus possible... Si vous créez une France forte, armée, organisée, vous pouvez être certains que, de l’autre côté de la frontière, à l’instant que la politique aura choisi comme favorable, on entendra un immense cri d’amour s’élever vers la France quand elle pourra faire le geste nécessaire [1]. » Nous savons aujourd’hui combien la réalité des faits a justifié cette prédiction.

Tout en constituant et en développant les thèmes principaux de son nationalisme, et comme s’il était incapable de se laisser enlizer dans une préoccupation unique, M. Barrès ne s’interdisait pas de noter et d’orchestrer les émotions d’un autre ordre qui, au hasard des jours, venaient solliciter son ardeur lyrique. C’est ainsi qu’en plein procès de Rennes, il allait visiter Combourg, pour « s’épurer dans l’atmosphère d’un grand poète de l’honneur. » Et ce pieux pèlerinage nous a valu une fort belle méditation sur la jeunesse de René. « Fils des romantiques, je rentre dans ma maison de famille et je sonne à l’huis d’un château, survivance du passé, où je reconnais en même temps le principe de mon activité littéraire. » Fils des romantiques encore, l’auteur du livre intitulé Amori et Dolori sacrum (1903), et qui, de son propre aveu, contient des pages appartenant à la même veine que Du sang, de la Volupté et de la Mort. Parmi ces pages, certains admirateurs fanatiques de M. Maurice Barrès ont particulièrement distingué celles qui sont consacrées à la Mort de Venise, et ils déclarent volontiers, selon le mot de Sainte-Beuve sur Chateaubriand, qu’ « en prose il n’y a rien au-delà. » Je leur donnerais volontiers raison, si je ne croyais discerner dans ce morceau célèbre, avec quelques longueurs, un peu d’artifice, un peu de « littérature » aussi.

  1. La Patrie française : Septième conférence, par Maurice Barrès : L’Alsace et la Lorraine, Paris, Bureaux de la Patrie Française, 1900. — Cette conférence, comme la précédente, sur la Terre et les Morts, a été reproduite dans les Scènes et Doctrines du Nationalisme, mais avec bien des coupures et des variantes.