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pour ne pas diminuer devant le lecteur une position d’un romanesque si vrai. » Ce désir tout classique de simplicité n’a-t-il pas, ici, conduit M. Barrès un peu au delà du but, très légitime et très élevé, qu’il poursuivait ? Simplicité, sobriété ne sont pas, en art, — et fût-ce dans l’art le plus attique, — synonymes de sécheresse, et il y a, nous le verrons, un peu de sécheresse dans l’exécution de ce « petit roman, plein de sens, qui éclaire d’un jour net et froid l’état des choses franco-allemandes en Lorraine. » D’autre part, le sujet lui-même, avec tout le « romanesque si vrai » qu’il comporte, impliquait-il cette largeur et cette profondeur de pathétique qui caractérisent les grandes œuvres de la littérature et de l’art ? On peut en douter. On peut plaindre et admirer profondément les récentes générations d’Alsace et de Lorraine, croire que « ces captifs et captives continuent d’ajouter au capital cornélien de la France, » et trouver que la touchante Colette Baudoche aurait quelque peine à se transfigurer en une Pauline ou une Chimène. « Petite fille de mon pays, écrit bien joliment M. Barrès, je n’ai même pas dit que tu fusses belle, et pourtant, si j’ai su être vrai, direct, plusieurs t’aimeront, je crois, à l’égal de celles qu’une aventure d’amour immortalisa. Non loin de Clorinde, mais plus semblable à quelque religieuse sacrifiée dans un cloître, tu crées une poésie, toi qui sais protéger ton âme et maintenir son reflet sur les choses. » — « A l’égal « est peut-être beaucoup dire ; mais « il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père, » et, parmi les héroïnes du sacrifice volontaire, la « jeune fille de Metz » est assurée de ne pas périr.

On connaît sa modeste et douloureuse aventure. Les dames Baudoche, — la grand’mère et sa petite-fille Colette, — ont loué deux de leurs chambres à un jeune professeur allemand, Frédéric Asmus. Celui-ci, un bon pédant, mal dégrossi, mais candide et plein de bon vouloir, se laisse prendre peu à peu au charme subtil de la vieille cité messine et de la vie lorraine ; il visite Nancy, admire la noble et discrète beauté de la place Stanislas, et, les commentaires de ses hôtesses aidant, il s’ouvre lentement à un ordre de pensée et de civilisation supérieures, bref, à l’ordre français. Peu à peu, la grâce opère, sous les espèces aimables, ingénieuses et sensées de la jeune fille, et un beau jour, l’Allemand la demande en mariage. Après un mois d’indécision, à la messe anniversaire des soldats français