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En 1906, il était rentré au Palais-Bourbon comme député de Paris. Il y rentrait à un mauvais moment, au lendemain de la loi de Séparation, au plus fort de nos discordes civiles. Longue et néfaste période où « les Français ne s’aimaient pas, » où la France, indifférente en apparence au péril extérieur grandissant, semblait prendre plaisir à se déchirer elle-même. Le peintre et le pamphlétaire de Leurs Figures a eu sous les yeux, plusieurs années durant, la plus riche matière d’observation qui pût tenter la plume d’un psychologue de la vie parlementaire. C’est cette expérience qui a alimenté nombre d’articles dont la verve sans indulgence a réjoui la malice, piqué la curiosité, enchanté le goût de tous ceux qui lisent, et même de plus d’un des bénéficiaires des abus que l’écrivain attaquait. Si l’étranger n’écoutait pas aux portes, quel est le Français cultivé et libéral qui n’applaudirait pas a quelques-unes au moins des pages vengeresses qui s’intitulent avec une truculente franchise : Dans le cloaque ?

M. Barrès ne s’en tenait pas d’ailleurs à ce rôle, tout négatif, d’observateur ironique et d’écrivain d’opposition. Il intervenait dans les discussions pour défendre, avec une autorité croissante, les causes qu’un intérêt supérieur lui rendait particulièrement chères. A vivre parmi des passions contradictoires, il prenait fortement conscience de dispositions intérieures que la vie, jusqu’alors, semblait avoir un peu obnubilées. » Je ne me connais pas comme un croyant, écrivait-il, mais l’infernale stupidité de nos anticléricaux m’oblige à sentir, à voir dans mon cœur la divine nécessité de la religion de mes pères. Auprès du cercueil de Brunetière, l’autre matin, je songeais que nous rendions à notre respecté ami, dans cette sublime atmosphère des mots latins les plus émouvants, un hommage que nulle puissance ne pourrait ni interdire, ni suppléer. Ce n’est pas que je subisse l’influence des dogmes, mais je m’incline avec amour sous l’inévitable et très chère influence du passé [1]. » C’était retrouver l’état d’esprit, et presque les termes du testament de Fustel de Coulanges. Et, quelques jours après, à la tribune de la Chambre, il déclarait :


Sous couleur de guerre au cléricalisme, c’est la guerre au catholicisme qu’on veut faire. Or je me range parmi les défenseurs du

  1. Le ton de M. Clemenceau (Écho de Paris, 15 décembre 1906), non recueilli en volume.