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un peu de tous les genres où s’est exercé M. Barrès, et l’auteur de Leurs Figures y donne la main à celui de la Colline inspirée. Aucun désordre d’ailleurs dans cet apparent pêle-mêle : un goût très sûr, une discipline très sévère président à la distribution des matières ; la complexité des sentiments, des idées et des faits que l’auteur met en œuvre est librement, mais fortement soumise à la souple régularité d’un ordre latin, d’un art parfaitement classique. En même temps que nous voyons s’instruire, au jour le jour, sous nos yeux, une grande cause nationale, nous assistons à la suggestive genèse d’une large pensée religieuse.


Nous sommes en mars 1914. Réalisant un vieux rêve d’origine peut-être romantique, M. Maurice Barrès, comme Chateaubriand et comme Lamartine, est allé « se soumettre aux cités reines de l’Orient, » et recueillir sur place les éléments d’une enquête sur le rôle et la situation de la France dans le Levant. Par son œuvre et son action d’homme de lettres et d’homme politique, par son évolution morale et littéraire, par la nature d’un talent tout à la fois très personnel et très hospitalier, très ouvert notamment aux tentatives juvéniles, il est sans contredit le plus en vue, le moins discuté, le plus « représentatif » des écrivains qui viennent d’atteindre la cinquantaine. Les jeunes de toutes les écoles, en France et à l’étranger, le saluent et même le vénèrent comme un maître : ils écrivent sur lui des articles, des brochures, et même des livres ; ils lui consacrent de copieuses, naïves ou touchantes « enquêtes [1]. » Sa « chanson heurtée, elliptique » s’est peu à peu imposée à tous. Surgisse le tragique duel ethnique que si souvent il a pressenti : nul ne sera plus qualifié pour exprimer et pour chanter « l’âme française et la guerre. »


VICTOR GIRAUD.

  1. Voyez, dans la Revue française du 3 août 1913, Maurice Barrès et la Jeunesse étrangère. On y a recueilli le curieux témoignage d’un Allemand, le Dr Curtius, qui, depuis, a consacré tout un livre à l’auteur des Déracinés.