caché sous le nom de Dunan dans sa propriété du Nivernais, était venu offrir ses services à Louis XVIII, lors du passage de celui-ci à Zurich, en avril 1796 : on l’avait employé à quelques missions en Angleterre et en Vendée. Tels étaient les agents que le frère de Louis XVI autorisait « à parler et à agir en son nom pour tout ce qui concernait le rétablissement de la monarchie. » Il leur adjoignit La Villeurnoy, ex-maître des requêtes, dépossédé de sa charge par la Révolution, homme fin, de manières distinguées, mais besoigneux, soucieux surtout de trouver un mari pour sa fille et de gagner le titre de ministre de la police dans la monarchie restaurée. L’agence avait pour mission de se concilier les militaires, de corrompre l’Administration, de préparer des élections royalistes, tâche écrasante qu’auraient à peine menée à bien des politiques experts, connaissant à fond le personnel gouvernemental et l’opinion du pays : les commissaires royaux étaient des novices, très confiants en leur propre adresse et trop enclins à prendre leurs désirs pour des faits acquis ; conspirateurs de comédie, fort communicatifs avec tout le monde et gardant entre eux seuls une réserve soupçonneuse, s’accusant réciproquement « d’imprudents bavardages, d’ambitions cachées, de défauts de zèle, de basses convoitises et même de trahison. »
La première préoccupation des représentants du Roi avait été l’organisation de leurs bureaux, centre d’un va-et-vient incessant de complices et d’émissaires de tous rangs, pêle-mêle de turbulents, de fidèles, de vendus, de traîtres aussi : on y verra Rochecotte, l’intrépide chouan, qui se fait fort, avec cinquante hommes, d’enlever les cinq Directeurs ; — Bourmont, sous le nom de Reynard, agent principal du Roi en Bretagne et en Vendée, — l’héroïque et tenace Frotté et son ancien camarade du régiment de colonel-général, le prince Louis de la Trémoille, tous deux de même âge, également dévots de la Royauté ; — un avocat de talent, Jean-Marie François, ex-émigré, ex-précepteur des ducs d’Angoulême et de Berry, qui vit, rue de la Lune, dans une chambre machinée et pourvue d’une armoire tournante, permettant, en cas d’alerte, la fuite par un escalier dérobé : — Carlos Sourdat, jeune garçon de vingt ans, petit, chétif, au teint brun, aux cheveux et aux sourcils très noirs, aux yeux de braise, âme candide et cœur résolu ; — deux vieilles filles, effacées et silencieuses, Madeleine et Josèphe More