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hâblerie, écrire au Roi : — « Votre Majesté ne se doute pas du merveilleux effet qu’a produit sa proclamation... Cela lui a conquis une foule de partisans... » L’arrestation de ses commissaires valait donc à Louis XVIII un succès que ne lui avait jamais procuré leur maladroit dévouement.

Il faudrait raconter comment l’un de leurs affidés, — Sourdat bien probablement, — tenta audacieusement de les tirer de leur prison ; comment, lorsqu’on apprit qu’ils allaient comparaître devant le Conseil de guerre, le brave Ange Pitou, le chanteur des rues, s’évertua à les sauver en achetant leurs juges : il dépensa à cette « acquisition » tout l’argent gagné à chansonner le gouvernement et les sommes qu’il emprunta sous sa garantie à des royalistes aussi peu fortunés que lui ; comment, quelques jours avant l’ouverture des débats, Duverne de Praile, pris de peur, « avant même qu’on lui eût donné l’assurance de la vie, comme il l’avait demandé, » révéla le fonctionnement complet de l’agence, dénonçant tous les affiliés, « leur résidence, leurs ressources, les attenances de chacun. » On devrait esquisser aussi le procès des conjurés devant le Conseil de guerre siégeant à l’Hôtel de Ville : outre Brotier, La Villeurnoy et Duverne dont ses compagnons ne soupçonnaient pas les délations, comparurent devant les juges le baron de Poli, Carlos Sourdat, Béranger-Mersix, les demoiselles More de Prémilon et une douzaine de complices obscurs. Après un mois de débats, les quatre premiers accusés furent, à l’unanimité des voix, déclarés coupables et condamnés à la peine de mort, immédiatement commuée, et non moins unanimement, par le tribunal, en quelques années de détention. Les révélations de Duverne de Praile, et aussi l’argent d’Ange Pitou, avaient contribué à émousser les rigueurs de la répression. Brotier, Duverne et La Villeurnoy furent écroués à la Tour du Temple où l’on se promettait de les oublier. Le désarroi gouvernemental était tel à ce printemps de 1797, les fonctionnaires de tous ordres croyaient si peu à la durée du régime directorial que l’emprisonnement ralentit à peine l’activité des commissaires royaux : du fond de leurs cachots ils continuaient à participer aux « travaux » de l’agence dissoute dont était seul titulaire leur collègue Despomelles, demeuré, comme on l’a dit, en liberté. Il correspondait avec un comité royal installé à Augsbourg et dont Wickham était l’homme important. Mais ce n’était là qu’un