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où le pauvre homme succomberait à son mal dans un dernier coup de délire.

En août 1798, il s’embarque pour l’Angleterre, et, là encore, révèle à qui veut l’entendre, qu’il se dispose à « corrompre » Barras et va clore par ce coup d’éclat l’ère des révolutions. Il donne quelques avis au cabinet britannique, indique « la route qu’il faut suivre pour obtenir des résultats décisifs, » secoue la torpeur des agents du Roi, et s’insinue en conseiller chez tous les hommes d’Etat. — « Il y a dans les Cours, écrivait La Bruyère, des apparitions de gens aventuriers, d’un caractère libre et familier, qui se produisent eux-mêmes, protestent qu’ils ont dans leur art toute l’habileté qui manque aux autres, et qui sont crus sur leur parole. » Fauche-Borel était de ceux-là

Quand, au début de l’hiver, il se décida à regagner Hambourg, une désagréable surprise l’attendait : il avait si souvent et à tant de monde exposé son projet de « corrompre » Barras, qu’un émigré, M. de la Maisonfort, auquel il avait ressassé sa combinaison, se l’était appropriée, jugeant l’idée fructueuse, et s’en faisait gloire auprès de Louis XVIII. Fauche cria « au voleur ; » en vain l’infortuné libraire revendique l’idée de « l’affaire, » s’efforçant d’en évincer la Maisonfort et d’y reprendre le premier rôle : elle l’absorbe durant toute l’année 1799. Il court de Hambourg à Berlin, à Mitau, en Courlande, où se trouve maintenant Louis XVIII, se fixe à Wesel, sur le Rhin, pour être plus à portée des espions que lui dépêche Barras et que Fauche prend sottement pour des émissaires. Il se dit sûr de réussir, et peut-être ici ne s’illusionne-t-il pas, car il est très possible que Barras ait conçu le projet de vendre aux Bourbons la République qu’il sentait parvenue à son terme et dont il n’attendait plus aucun avantage. Fauche reçoit de Paris des lettres encourageantes : tout va bien, ou : sous peu de bonnes nouvelles. Il va les attendre à Francfort et là il apprend, avec stupeur, par les gazettes, la chute du Directoire : un nouveau pouvoir s’élève ; Barras s’effondre et, avec lui, la machination de Fauche-Borel qui, pour la seconde fois, voit, à la veille du succès, sa diplomatie déjouée par les soubresauts de la politique française.

Ce grand événement se répercuta, comme on le sait, dans toute l’Europe ; la Révolution était terminée ; les Puissances armées contre la France allaient se résigner à traiter avec le nouveau Consul. Fauche-Borel, lui, ne désarme point ; au printemps