visage le masque figurant les traits de son neveu, rabattit son chapeau jusqu’au nez de cire et, tenant son mouchoir appliqué sur sa joue de façon à dissimuler du mieux possible la compromettante fixité du postiche, il descendit en hâte l’escalier, passa devant le guichetier endormi et cuvant son vin, traversa la cour, parvint à la loge du portier qui, occupé comme les autres à fêter le ci-devant 1er janvier, demanda, — le prenant pour Vitel, — « comment allait sa fluxion. » Fauche répondit par un grognement de douleur. Le cordon était tiré, la porte entrebâillée ; il l’ouvrit, la referma derrière lui et se trouva dans la rue. Il était libre. Tout en brisant et en éparpillant au hasard de sa marche le masque auquel il devait sa délivrance, il se dirigeait vers la rue Saint-Lazare qu’habitait son parent Scholl, l’officier de cavalerie dont on a déjà cité le nom. Fauche savait trouver là asile, en attendant de risquer le départ pour l’Angleterre. Scholl l’attendait, en effet, et lui fit fête : Fauche était ivre de joie ; la seule ombre à son bonheur était le remords d’avoir laissé Edouard Vitel aux mains de son geôlier et l’anxiété de savoir comment ce dernier accepterait la mystification si habilement perpétrée par son prisonnier.
Fauconnier avait attendu, d’abord patiemment, en vidant le fond des bouteilles, que Fauche-Borel apportât le précieux flacon de liqueur ; ne le voyant pas reparaître, il alla à sa recherche et Vitel profita de son absence pour s’esquiver ; ce qu’il réussit sans peine : un seul des guichetiers, à demi ivre, s’étonna : — « Mais n’êtes-vous pas déjà sorti, monsieur Vitel ? — Oui, mais ne m’avez-vous pas vu rentrer ? » Il passa la porte, mêlé à un groupe de plusieurs personnes venues au Temple pour fêter la nouvelle année avec des prisonniers, arriva rue Saint-Lazare presque en même temps que son oncle, puis il rentra chez lui, rue des Saints-Pères. Le lendemain, il reprit son train ordinaire, s’acquitta, sans se cacher, des obligations de son commerce ; mais, à la tombée du jour, il venait de rentrer chez lui, quand il vit paraître Fauconnier, accompagné d’un commissaire et d’une douzaine de policiers : il fut mené par eux à la Préfecture, pressé de questions, et comme il refusa de révéler l’asile de son oncle, il rentra le même soir au Temple, non plus en visiteur, cette fois, mais en captif. Presque à la même heure, Fauche-Borel repassait, lui aussi, encadré de gendarmes, la porte de la prison. Il avait été arrêté chez Scholl au