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Il adresse à Desmarest une humble supplique, protestant de son repentir, attestant que la mort de Pichegru, avec lequel il était lié, le libère complètement ; il proclame « son attachement au Gouvernement ; » sa soumission est sans ambages, et rien de plus net : — « Je me livre entièrement à vous, ainsi que j’en ai eu souvent le désir : vous savez que je puis vous servir bien directement et que peu de personnes en ce moment peuvent le faire avec autant d’avantages que moi. Je vous développerai mes moyens et saurai mériter votre confiance par ma discrétion, mon zèle et mon dévouement : c’est en m’attachant aux personnes qui savent travailler et distinguer les intrigants des honnêtes gens que je puis espérer mon avancement et l’avantage de ma famille. »

Desmarest expérimenta-t-il aussitôt ce zèle dont lui faisaient hommage la platitude et la peur ? Fouché, rentré au ministère quelques semaines plus tard, tira-t-il du libraire, comme entrée de jeu, des dénonciations ou des renseignements utiles ? C’est probable ; car, le 16 août, Fauche obtenait de rentrer au Temple, sans doute en qualité de « mouton. » Il y revenait non plus comme prévenu de conspiration, mais seulement de manœuvres contre la sûreté de l’Etat : la différence était appréciable et tel était le prix dont on payait son reniement. Il ne restait plus qu’à lui rendre la liberté : mais pour lui conserver son crédit et ne pas le « brûler » aux yeux des émigrés vers lesquels il devait retourner, non plus en féal, mais en espion, il fallait à son élargissement quelques atermoiements.

D’abord il appela à Paris son frère François, le libraire de Hambourg, qui arriva porteur d’instructions très pressantes adressées par le roi de Prusse à son ministre en France, le marquis de Lucchesini : tandis que celui-ci postulait en faveur du détenu, François Fauche, profitant de son séjour dans la capitale pour conclure quelques affaires, entra en rapports avec ce libraire Perlet dont on a conté sommairement ci-dessus la réussite première, les vicissitudes et la déchéance. Perlet, on l’a dit, était de Genève, presque un concitoyen de Fauche ; il se montra très serviable, offrit l’appui de ses relations : quoique chaud royaliste, — du moins à l’en croire, — il était lié d’amitié d’enfance avec un personnage bien autrement influent que ne pouvait l’être le ministre de Prusse : c’était Veyrat, l’inspecteur général de la Préfecture de police, — une