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Jeudi, 4 mai.

Viviani et Albert Thomas arriveront demain soir à Pétrograd. Leur mission, annoncée hier par la presse, a mis en émoi tous les partis. Le nom d’Albert Thomas surtout produit un grand effet dans les milieux ouvriers et un non moindre effet, en sens contraire, dans la coterie autocratique.

Konovalow, député libéral de Moscou, richissime filateur, esprit généreux, acquis à toutes les utopies humanitaires, vient me voir, au nom du « Comité industriel de guerre, » dont il est le vice-président. Il est accompagné d’un de ses amis politiques, Joukowsky, président du « Comité de l’industrie et du commerce. » Après m’avoir exposé que le président du « Comité industriel, » Goutchkow, n’a pu venir, étant retenu par la maladie en Crimée, Konovalow m’exprime le désir d’entrer, le plus tôt possible, en relations avec Albert Thomas :

— Notre comité central, qui centralise l’activité de tous les comités russes, comprend 120 délégués, nommés par l’Union des villes, par l’Union des Zemstvo, par les municipalités de Pétrograde et de Moscou, par les administrations gouvernementales, enfin par les ouvriers eux-mêmes. Sur ces 120 membres, il y a dix ouvriers. Mes amis et moi, nous souhaitons vivement que M. Albert Thomas assiste à une de nos délibérations : il nous dirait certainement des choses excellentes et qu’on se répéterait dans toutes les usines.

Je réponds qu’une visite d’Albert Thomas au comité central me paraît, non seulement possible, mais désirable : qu’il excelle en effet à se faire entendre des ouvriers comme des patrons ; que je compte toutefois sur la sagesse du Comité pour que la visite ne dégénère pas en manifestation politique...



Vendredi, 5 mai.

Le général Soukhomlinow, ancien Ministre de la Guerre, a été arrêté ce matin et conduit à la forteresse des Saints-Pierre-et-Paul. Qu’il soit coupable de prévarication, c’est notoire. Qu’il ait trahi, comme on l’affirme, j’en doute, si, par « trahison, » on entend le fait d’intelligence avec l’ennemi. Je ne crois pas qu’il ait été complice du colonel Miassoïédow, pendu en mars 1915 ; il se bornait vraisemblablement à fermer les yeux sur les crimes