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qui va fonder la paix éternelle qu’on nomme déjà la paix française !... »

L’enthousiasme du public est au comble. La figure des ministres s’est encore assombrie. En les regardant, je comprends que toute visite d’un homme d’État français en Russie est, par soi seul, un acte de propagande démocratique.

Pendant tout le discours de Maklakow, Albert Thomas a peine à se contenir. Ses yeux flamboient. Je m’attends à le voir se lever soudain et se lancer dans une improvisation oratoire.

Mais Rodzianko prononce les paroles d’adieu. Nous sortons au milieu des acclamations.

Dans le vestibule, durant quelques minutes, nous échangeons, Viviani, Albert Thomas et moi, nos impressions sur la soirée. A propos du discours de Maklakow, je dis :

— Beau discours et qui produira grand effet en Russie. Mais quelle chimère de croire que la paix prochaine sera éternelle ! Je me figure, au contraire, que le monde va entrer dans une ère de violences et que nous semons actuellement le germe de guerres nouvelles.

Après un instant de réflexion, Albert Thomas me répond :

— Oui, après cette guerre, dix ans de guerres... dix ans de guerres !



Mercredi, 17 mai.

Viviani et Albert Thomas ont fait ce matin leur visite d’adieu à Sazonow. Je ne les accompagnais pas, afin d’enlever toute apparence officielle à leur entretien, qu’ils voulaient diriger principalement sur la Roumanie et la Pologne.

Quant à la Roumanie, Sazonow a protesté qu’il souhaite vivement son accession à notre cause :

— Mais je ne peux, a-t-il ajouté, la considérer comme un facteur sérieux, tant que M. Bratiano se refusera à négocier avec nous une convention militaire.

Quant à la Pologne, Sazonow a insisté, dans les termes les plus pressants, sur le danger que ferait courir à l’Alliance une immixtion, même discrète, du Gouvernement français dans la question polonaise.

Les résultats de la mission Viviani se réduisent donc à