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l’envoi de 50 000 hommes en France, ou plutôt à la promesse de cet envoi.

Mais l’influence d’Albert Thomas a été réellement efficace. Son activité prodigieuse, son sens pratique ont galvanisé les services industriels de la guerre... pour combien de temps ? Il a été fort habilement secondé dans son œuvre par un de ses adjoints, le grand entrepreneur de travaux publics, Loucheur, un des hommes qui ont le plus contribué au réveil industriel de la France.

A une heure, Viviani et Albert Thomas viennent prendre leur dernier déjeuner à l’ambassade, avec le grand-duc Nicolas Michaïlowitch, mes collègues du Japon, d’Angleterre et d’Italie.

Nicolas-Michaïlowitch, « Nicolas-Égalité, » toujours curieux des idées avancées et des hommes nouveaux, m’avait dit :

— Je tiens énormément à connaître Albert Thomas.

Et cette connaissance paraît lui être fort agréable, car il le comble d’attentions.

A sept heures du soir, toute la mission repart pour la France, par la voie d’Arkhangelsk.



Jeudi, 18 mai.

Ce soir, au Narodny Dom, on représente Don Quichotte. Je retrouve, à entendre Chaliapine, mes belles impressions d’il y a deux mois ; j’imagine que Cervantès lui-même serait ravi d’une interprétation qui donne à son hidalgo un caractère si individuel et si large, si comique et si touchant, si caricatural et si humain. Le génie du grand ironiste n’a jamais été mieux compris.

Le public n’est pas moins intéressant que la dernière fois ; j’y observe les mêmes sourires d’indulgence, le même courant de sympathie pour la personne de l’aventureux chevalier, pour la figure de ce héros doux, généreux, pitoyable, patient, résigné, sage autant que fou, non moins lucide qu’extravagant, crédule à toutes les chimères, docile à tous les enchantements, désemparé devant toutes les réalités.



Vendredi, 19 mai.

Le général Alexéïew presse, avec une implacable sévérité, les préparatifs de la grande offensive qu’il médite pour les premiers