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jours de juin. L’action principale se développera en Galicie, sur la Strypa et le Pruth, entre Tarnopol et Czernowitz ; l’opération sera commandée par le général Broussilow. On m’assure que le moral des troupes, ranimé par le retour de la belle saison, est excellent.


Ce soir, j’ai à dîner mon collègue d’Espagne, le comte de Cartagena, la princesse Orlow, la princesse Serge Bélosselsky, la princesse Cantacuzène, le comte Sigismond Wiélopolski, le comte Koutousow, lady Muriel Paget, lady Sibyl Grey, etc.

La princesse Bélosselsky et la princesse Cantacuzène ont reçu dernièrement des lettres de leurs maris, qui se battent l’un en Arménie et l’autre en Bukovine ; elles me confirment, d’après ces lettres, que les soldats sont pleins d’ardeur. La même note m’est donnée par lady Muriel et lady Sibyl, qui viennent d’inspecter leurs ambulances de Volhynie.



Dimanche, 21 mai.

Le chef du cabinet de Sturmer, le digne exécuteur de ses basses œuvres, l’ineffable Manouïlow, vient me voir pour m’apprendre qu’il m’a fait donner satisfaction dans une insignifiante affaire de police. Puis nous causons. Avec un accent de sincérité qui me frappe, — car il ne ment pas toujours, — il me décrit la situation intérieure sous des couleurs très sombres ; il allègue notamment le progrès de l’esprit révolutionnaire dans l’armée.

Je lui objecte les impressions si favorables qu’on me donnait avant-hier sur le moral des troupes.

— Oh ! me répond-il, cela n’est pas vrai seulement des troupes combattantes. L’armée de l’arrière est pourrie. D’abord, les hommes sont désœuvrés ou, du moins, très peu occupés. Vous savez que l’hivernage est toujours une mauvaise période pour l’instruction militaire. Mais, cette année, il a fallu réduire et simplifier encore les exercices parce qu’il n’y a pas assez de fusils, de mitrailleuses, de canons et, plus encore peut-être, parce qu’on manque d’officiers. Ajoutez que les soldats sont très mal logés dans les casernes. On les entasse les uns sur les autres, n’importe comment. Au quartier des Préobrajensky, où il y a place pour douze cents hommes, on en a logé quatre mille.