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tous les personnages influents. J’ai vu plusieurs de ces notes, d’une écriture informe et d’un style grossièrement impératif. On n’ose jamais se dérober à ses demandes. Nominations, avancements, sursis, grâces, dispenses, subsides, on lui accorde tout.

Quand l’affaire est plus importante, il remet directement sa note à la Tsarine :

— Tiens ! Fais faire cela pour moi !

Et elle en donne l’ordre aussitôt, ne se doutant pas qu’elle travaille pour Manus et Rubinstein qui, eux, travaillent notoirement pour l’Allemagne.



Jeudi, 1er juin.

Ce matin, en arrivant chez Sazonow, je suis frappé de sa mauvaise mine, de ses yeux caves, de son air abattu. Il se plaint d’une grande fatigue nerveuse, qui lui enlève le sommeil et l’appétit ; il parle d’aller prendre un repos « de quelques semaines » en Finlande.

Bien des fois, depuis le début de la guerre, je l’ai vu fatigué, souffrant de migraine et d’insomnie. C’est notre sort à tous. On ne porte pas impunément, sous un pareil climat, un fardeau si lourd, si continu, si obsédant, de labeur et de soucis. Mais cette fois, quelque amitié que j’aie pour lui, ce n’est pas sa santé qui m’inquiète le plus ; ce sont les ennuis secrets qui l’ont mis dans cet état et que la confidence reçue avant-hier m’a clairement révélés.



Vendredi, 2 juin.

L’attitude du Gouvernement hellénique est devenue intolérable ; sa collusion avec le Gouvernement bulgare est manifeste. La complicité personnelle du roi Constantin n’est pas douteuse.

Longue conversation, à ce sujet, avec Sazonow de qui j’obtiens de pouvoir télégraphier à Paris qu’il approuve, par avance, toutes les mesures que la France et l’Angleterre croiront devoir prendre contre la Grèce.

Entre l’Adige et la Brenta, les Italiens commencent à se ressaisir. L’offensive autrichienne est presque arrêtée.



Dimanche, 4 juin.

Pour satisfaire aux instances du roi Victor-Emmanuel, l’Empereur