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avec les années où Balzac fréquenta le monde de Saint-Cyr.

Enfin, en 1832, Balzac décide de se mettre à l’œuvre. Talonné par l’éditeur qui veut sa copie, qui a même acheté son papier, il se met au travail, sans douter d’une exécution rapide et facile. Il n’a qu’à étendre la main, à puiser dans le trésor des souvenirs de Périolas. Jusqu’ici le temps seul a manqué au romancier pour composer l’œuvre projetée, le temps, que lui mangent avidement ses besognes mercenaires dans les petits journaux. Ce temps nécessaire, il va le créer, il va, suivant sa formule, « se faire du temps « par une retraite loin de Paris, et, dès que Périolas l’aura garni de documents, il s’en ira à Saché, chez son ami M. de Margonne, mettre au jour dans le grand calme des champs l’œuvre depuis si longtemps conçue.

Quelle était exactement son ambition ? Il nous l’a dit à maintes reprises et nous lisons dans l’album où il inscrivait pêle-mêle pensées, projets et comptes :


Faire un roman nommé la Bataille, où l’on entende à la première page gronder le canon et à la dernière le cri de victoire, et pendant la lecture duquel le lecteur croit assister à une véritable bataille comme s’il la voyait du haut d’une montagne, avec tous les accessoires, uniformes, blessés, détails. La veille de la bataille et le lendemain. Napoléon dominant tout cela. La plus poétique à faire est Wagram...


C’était précisément une des batailles de Périolas. Donc en mai 1832 Balzac annonce à son ami qu’il va « tomber à Saint-Cyr comme un aérolithe « et lui demande de « rechercher qui dans les hommes, les livres, les choses, les souvenirs, dans vos amis, etc., peut me donner les meilleures réponses à mille questions que j’ai à faire, à mille recherches sur la bataille de Wagram. — Rassemblez vos souvenirs... »


Périolas obéit ponctuellement et convoque pour la date fixée par Balzac, le 20 mai, « quatre troupiers finis échappés aux gloires de Wagram. » On attend Balzac, il ne vient pas : il est tombé de voiture. Le voilà cloué sur son lit qu’il ne quittera plus jusqu’au moment de partir pour Saché au début de juin. Il ne retrouvera plus jamais l’occasion qui s’est offerte, mais il espère que les souvenirs personnels de Périolas pourront largement compenser ceux des quatre grognards. Il se trompe et Périolas le lui déclare très nettement :


Je doute fort qu’un seul individu puisse satisfaire votre envie et